SOCIÉTÉ D'ÉTUDES BENJAMIN FONDANE

La Conscience malheureuse - Lectures de Titanic N° 12

De la naissance des Dieux à la mort de Dieu

Margaret Teboul

Dans « Bergson, Freud et les dieux »[1], Fondane réunit le commentaire des Deux Sources de la morale et de la religion et celui de L’Avenir d’une illusion. Le dernier grand livre de Bergson a été publié en 1932, la même année que la traduction par Marie Bonaparte de celui de Freud[2], paru en allemand en 1926.

Personne ne songe au début des années trente à rapprocher deux penseurs si différents et qui n’occupent pas la même place dans le paysage intellectuel. Avec Les Deux Sources de la morale et de la religion, le débat sur la « philosophie nouvelle » reprend, mais comme assourdi après le long silence qui a suivi L’Evolution créatrice, publié en 1907. Les milieux catholiques sont offusqués du rapport établi entre mystique et élan vital. Léon Brunschvicg dédie à Bergson Le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale et intègre la « philosophie nouvelle » qu’il avait combattue ; a contrario, la jeunesse non-conformiste s’éloigne d’un penseur « routinisé » dont l’optimisme s’accorde mal avec la montée des périls. Seuls Mounier, Merleau-Ponty et Levinas conservent quelques intuitions du bergsonisme pour élaborer leur philosophie. À l’inverse, Freud s’il suscite les foudres de la philosophie établie, attire les avant-gardes, tout particulièrement les surréalistes.

Fondane commente ces écrits avec finesse, mais aussi avec excès et imprévisibilité. Il ne s’attarde pas sur la synergie entre philosophie et sciences sociales qu’ils manifestent, alors qu'il découvre Lévy-Bruhl qui va l’influencer considérablement, et Frazer. Il conçoit les livres qu’il commente comme deux « théories, scientifique et philosophique de la naissance des dieux »[3]. Bergson et Freud élaborent en effet une psychogenèse ou sociogenèse du fait religieux à partir de sources en partie communes, anthropologiques ou ethnologiques – Durkheim, Frazer, Smith et Darwin – mais leur projet philosophique est très différent : le premier introduit l’expérience des mystiques dans la philosophie tandis que le second enrichit de l’apport de la psychanalyse la critique philosophique de la religion, inaugurée par les Lumières.

Fondane prend au sérieux l’ambition des Deux Sources d’apporter une réponse métaphysique à la crise de l’Europe née à la fin de la grande guerre[4]. Bergson semble participer à « cet épisode de renflouement désespéré de la métaphysique dans un monde régi par une loi d’absolue indifférence »[5], aux côtés de Kierkegaard et Chestov. Dans la préface de La Conscience malheureuse, l’histoire se manifeste comme une « présence redoutable »[6] qui exaspère l’angoisse métaphysique. « Nous sommes, à la fois en tant que citoyen du malheur social des êtres politiques, et en tant que citoyens du malheur humain, des êtres métaphysiques »[7]. Se mêle à ce dilemme, un conflit entre pulsion de vie et exigences de la culture que Fondane pense en confrontant Nietzsche au Freud[8] du Malaise dans la culture publié en 1928.

À la suite de Jean Wahl, il reprend à Hegel la notion de conscience malheureuse, le moment dans La Phénoménologie de l’esprit où la conscience est divisée d’avec elle-même. Mais pour lui comme pour Wahl, l’existence, séparée de la pensée, ne surmonte pas la déchirure qui la touche. La conscience malheureuse subit « l’aliénation totale des pouvoirs de l’homme »[9]. C’est aussi une conscience religieuse déchirée entre foi et savoir, humiliée par la puissance contraignante de la Raison qui transforme son élan vers Dieu en « bêtise ». Fondane suit ici la voie ouverte par Kierkegaard qui, l’écharde dans la chair, affronte Hegel.

Une analyse détaillée de Bergson ouvre l’article ; elle est interrompue par l’introduction de Freud, utilisée comme une machine de guerre critique. Ce rationaliste qui tourne en dérision la religion doit révéler le sous-texte des Deux sources, ses a priori philosophiques. La mise en rapport des deux auteurs repose sur la « collusion » entre morale et religion. Freud et Bergson sont dépeints comme des professeurs de résignation, des rationalistes qui brident la liberté humaine en la réduisant à l’obéissance, des « chiens de garde », comme dit Nizan à propos de Brunschvicg. Ainsi, Fondane « lutte contre les évidences », au sens que Chestov donne alors à cette expression. Dans « Memento mori » de 1926, celui-ci voit les limites de la phénoménologie, ce rationalisme absolu[10] en vogue auprès de la jeunesse, dans son incapacité à penser la question religieuse. Fondane participe à la naissance d’un nouveau « moment philosophique » marqué par la réception croisée de Hegel et de Kierkegaard autour de la notion de conscience malheureuse dans lequel interviennent aussi bien Gabriel Marcel, Nicolas Berdiaev que Franz Rosenzweig ou Martin Buber.  

L’effort de pensée de Fondane consiste à modifier le problème en allant de la critique de la création des dieux, au sens de Bergson et Freud, à l’archéologie de la mise à mort de Dieu, en fonction de Kierkegaard et Nietzsche pour qu’advienne un nouveau paradigme de la conscience religieuse, hors de la religion. Fondane renverse les évidences de la critique de la religion et affirme un autre possible qui a les traits de l’impossible.

 

 

 

De la religion comme  illusion et « produit historique nécessaire »

 

Si Freud et Bergson envisagent la religion comme un « produit historique nécessaire », seul le premier  en fait une illusion.

 

Les Deux Sources de la morale et de la religion marquerait une « volte-face » dans le bergsonisme, inaugurerait même une « nouvelle pensée ». « Que nous sommes loin des « Essais sur les Données Immédiates de la Conscience »[11], se lamente Fondane. Cette déception marque profondément l’interprétation des Deux Sources et se lit dans le contraste entre le début de l’article et la suite. En effet, Fondane commence par ressaisir avec empathie les lignes de force du bergsonisme en fonction du texte fondamental de 1903 « Qu’est-ce que la métaphysique ? »[12]. Il envisage la philosophie de Bergson comme une métaphysique, qui serait une « théorie de la vie » et une « théorie de la connaissance »[13] (même s’il se moque de l’idée de rétablir le pont coupé par Kant entre la métaphysique et la science). Il retient surtout des couples d’oppositions conceptuelles structurantes, particulièrement intelligence et intuition, qu’il exacerbe : « Intuition et intelligence représentent deux directions opposées du travail conscient : l’intuition marche dans le sens même de la vie, l’intelligence va en sens inverse, et se trouve tout naturellement réglée sur le mouvement et la matière »[14]. Fondane saisit le bergsonisme comme un dualisme, distinction de deux principes, « d’une part une pensée utilitaire, qui veut dominer et, par conséquent fixer le réel ; d’autre part un Esprit fabulateur – ou Esprit tout court - tourné vers une intuition du concret »[15]. Ces catégories sont retournées contre les Deux Sources. Un Bergson fidèle à lui-même aurait conclu au caractère spatial et dissolvant de l’éthique, en lui objectant la dimension créatrice de la religion.

Fondane centre l’analyse sur l’esprit fabulateur, envisagé comme l’expression de l’intuition dans la sphère métaphysique. Or cet esprit fabulateur est placé du côté de la religion close et transformé en fonction fabulatrice. Il désigne à la fois l’élaboration de récits, d’histoires sous forme de théâtre ou de romans et la « fabrique » des dieux. Fondane conteste cette confusion des registres et fait de la fonction fabulatrice le révélateur des incohérences des Deux Sources. En poussant les individus à agir pour eux-mêmes, l’intelligence devient un facteur d’égoïsme qui met en cause la cohésion sociale. Dans une « réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l’intelligence »[16], tournée uniquement vers l’action, le plaisir et le bien-être, les hommes fabriquent des dieux. La fonction fabulatrice, qui était auparavant la plus haute fonction de l’esprit, située du côté de la durée et de l’intuition et donc de la créativité, est devenue une fonction seconde par rapport à l’intelligence dont elle répare les dégâts.

À partir de ce moment, Fondane s’autorise à contester l’économie d’ensemble des Deux Sources, la distinction entre le clos et l’ouvert – une religion et une morale qui font pendant à l’intuition, une religion et une morale qui font pendant à l’intelligence. Il écarte l’entreprise bergsonienne de comprendre dans cette distinction le fait religieux. Chez Bergson, la religion statique dénomme la religion de communautés primitives, mais aussi restreintes – romaine ou juive ; elle renvoie aussi à la religion comme fait social ou institutionnel. Universelle, porteuse d’une religion d’amour, la religion ouverte qualifie exclusivement le christianisme dont Bergson se sent proche. Entre le clos et l’ouvert, il existe une différence de nature, même si l’essentiel est le possible passage du clos à l’ouvert par un saut. Les mystiques auxquels Bergson prête des qualités de prophètes entraînent l’humanité dans ce passage du clos à l’ouvert. Et dans cette suture, se décide la nature même des rapports entre religion close et religion ouverte.

Ce refus de Fondane d’un point si décisif, peut-être l’idée même des Deux Sources, s’appuie notamment sur une citation de Bergson qui, sortie de son contexte, est assez accablante : « La religion statique est au mysticisme ce que la vulgarisation est à la science »[17]. Fondane en conclut que la « religion dynamique » a la même fonction d’apaisement que la religion close et que la naissance des dieux condense tout le sens des Deux Sources. Mais cette cécité repose surtout sur un refus d’envisager le fait religieux comme un fait social. Fondane reproche à Bergson, de « faire bon marché de l’individu ; il se cramponne à sa Justice, à son autorité »[18]. L’expérience religieuse, c’est avant tout le face à face de l’individu avec Dieu.

Cette idée est à relier au commentaire de la vision bergsonienne de Dieu dans la religion dynamique comparée à l’Evolution créatrice. C’est dans ce grand livre que Dieu apparaît pour la première fois comme origine de l’élan vital. Fondane l’analyse comme une démarche philosophique qui prive Dieu de toute extériorité par rapport au sujet. Médiatisée par la philosophie même, l’expérience aboutit à un Dieu « universel et abstrait »[19], qui est un « Dieu de sérénité, de sécurité et d’amour »[20], le Dieu des savants et de la Sorbonne. Bergson reste « positiviste »[21] ! C’est pourquoi, selon Fondane, Bergson ne se tourne pas dans Les Deux Sources vers la Bible – effrayé par son « Dieu national », « Dieu des armées », mais vers les mystiques. Évitant les textes, Bergson refuserait de voir l’essentiel : « leur ressort dialectique est le scandale »[22].

C’est jusqu’à l’expérience mystique qui est au centre des Deux Sources, pourtant conforme à son idéal religieux, que Fondane juge dénaturée. Il reproche à Bergson d’en rester à des idées générales. Les mystiques sont privés de toute singularité, leurs aspérités sont gommées. Ils sont réduits à des personnages philosophiques, chargés d’apporter une morale et une justice bien abstraites mais pas la « communication avec l’absolu »[23]. Aucun nom n’est mentionné  – ni saint Jean de la Croix, ni Ruysbroeck, ni Thérèse d’Avila –  à part Plotin qui est écarté pour de mauvaises raisons : trop contemplatif. Pour Bergson, l’action définit l’essence de l’expérience mystique. Les mystiques ont les qualités des prophètes juifs –  ceux qui « eurent la passion de la justice et la réclamèrent au nom du Dieu d’Israël ». Alors qu’il faisait de la méditation de leur expérience par Bergson et Renan un événement de pensée, il jette l’opprobre sur les prophètes pour leur action morale. Le mysticisme est  « un amour exhaustif de Dieu pour la créature et de la créature pour Dieu ». Bergson a manqué la durée interne du mouvement qui porte le mystique vers Dieu. Ce n’est que du dehors qu’il est perçu comme un ascétisme, « une technique de renoncement aux choses et aux plaisirs de ce monde »[24].

Pourtant, Fondane a lu le passage des Deux Sources, intitulé « mystique et philosophie », dans lequel Bergson reconnaît l’élan de vie qui ébranle le mystique au contact de Dieu et le pousse à agir. Il le relève à la fin de l’article pour différencier Bergson de Freud. Mais Fondane développe une autre lecture du  mysticisme, en tout point opposé à l’éthos bergsonien dénué de mal et de tragique. Cette lecture se déploie à l’aune de l’expérience kierkegaardienne : « Dans la nuit abyssale de la mystique, (…) il y a terreur, angoisse, sueur de sang ; on y fait éclater « la contradiction de tous les essais de comprendre » ; et la foi n’est guère une chose apaisante ; « elle lutte comme une démente pour le possible »[25].

S’il insiste sur la naissance des dieux, Fondane lit aussi Les Deux Sources de la morale et de la religion comme l’expression d’une religion philosophique. Ainsi, ces catégories du clos et de l’ouvert sont rapprochées par Léon Brunschvicg d’une dualité entre la religion, au sens philosophique et les religions au sens social, trivial du terme. Cette critique des religions rejoint aussi Freud. 

 

Dans L’Avenir d’une illusion, Freud élabore une critique et une compréhension psychanalytique de la religion[26]. L’exploration a commencé avec Totem et Tabou publié en 1913, très présent dans le commentaire de Fondane ; elle se poursuit dans Malaise dans la culture de 1928 et aboutit à Moïse et le monothéisme de 1938. Le centre de la thèse est que la religion même n’est qu’une illusion, un « narcotique », produit du désir humain.  « La force de l’illusion réside dans la force des souhaits qu’ils expriment, souhaits anciens, pressants. »[27]. Essentielle dans L’Avenir d’une illusion, la notion de « désaide » s’applique au « désemparement » du petit enfant face à ses parents, une angoisse qui tourne à la déréliction. La religion naît dans le psychisme humain de la transformation de l’empire terrifiant des parents en autorité de tutelle, bienveillante, en dieux ! Plus généralement, elle protège l’homme de la cruauté du destin- en particulier de la mort mais aussi de la toute puissance de la nature. Fondane discute la théorie de Freud en se confrontant à la variante à l’oeuvre dans Totem et Tabou, centrée sur lhomologie structurale entre névrose et religion, dans laquelle le complexe d’Œdipe est pensé à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Par la vertu de la sublimation, mais aussi de la censure, la libido, qui était une pulsion sexuelle, se transforme en source de l’éthique et de l’esprit. Freud désexualise le moteur de la théorie psychanalytique dans Au-delà du principe de plaisir.

La religion apparaît au rationaliste comme un péril. C’est dans Malaise dans la culture que Freud tire toutes les conséquences de son analyse. Parade contre la souffrance, la religion induit une « déformation délirante du réel » dangereuse pour l’intelligence. « Sa technique consiste à rabaisser la valeur de la vie »[28]. Si la religion épargne les foules de la névrose, elle ne parvient pas à ses fins et suscite une résignation, une soumission sans précédent. Il faut guérir de la névrose et affronter la dureté de la vie, en somme sortir de l’enfance pour devenir adulte. Freud en appelle au principe de réalité contre le principe de plaisir. La culture doit reposer sur des assises rationnelles. Dans Totem et Tabou, le psychanalyste invoque explicitement la théorie des trois états d’Auguste Comte pour justifier le dépassement de la métaphysique et de la religion. Il n’est d’autre moyen de connaître que la raison. Explorer rationnellement l’irrationnel, tel est le projet même de la psychanalyse. 

Freud rejoint ainsi la tradition critique des Lumières, représentée en France à l’époque par Léon Brunschvicg. Alors qu’au même moment, ce dernier cherche dans les sciences sociales un auxiliaire pour enrichir sa critique philosophique de la religion, Freud reprend le « lieu commun » de l’identification de la religion au stade infantile du développement de l’humanité. Le psychanalyste ne se laisse convaincre par aucune preuve de l’existence de Dieu, à la suite de Kant. Pour lui, la religion n’est qu’une fable, un conte auquel seuls les enfants peuvent croire, sauf les plus réalistes. Freud use à l’égard de la religion de la même ironie mordante et dévalorisante que Brunschvicg à la Société française de philosophie dans le débat sur la « philosophie chrétienne ». Dans ce chassé-croisé emblématique entre philosophie et sciences sociales naissantes, il en va d’une entreprise de déconstruction de la religion dont dépend la fondation même de la philosophie et la science. Placer la religion du côté de l’illusion revient à la placer du côté de l’image, de l’ombre même projetée sur le mur de la caverne que le commun des mortels prend pour la vérité. Aussi, la critique de la religion engage la philosophie même. Et s’en prendre à la critique de la religion revient à questionner la philosophie dans sa constitution, le platonisme.`

Fondane, qui reconnaît l’importance des découvertes de la psychanalyse sur l’inconscient ou sur la sexualité de l’enfant, rejette en bloc la thèse de son adversaire en l’accusant de scientisme. L’autorité que semble donner la science cède sur les questions d’ordre métaphysique. Il dénonce l’approche objective et surplombante de la religion chez Freud. On peut rapprocher cette critique des présupposés de l’herméneutique existentielle telle que commence à la pratiquer Henri Corbin, lecteur de Heidegger qui intègre le point de vue du soufi dans la compréhension de son expérience. Parallèlement, contre le reproche d’infantilisme, Fondane convoque les  sciences de la religion[29]. Le nœud de son scepticisme concerne la possibilité d’étendre les résultats de la psychanalyse du microcosme de la psyché au macrocosme de la culture et de la société grâce à cette idée floue de sublimation. La plasticité de la notion de libido, inopérante selon lui, en est le signe.

Lui qui a présenté Freud comme le « psychologue qui, le premier met aux racines de l’homme une libido, c’est-à-dire une force purement irrationnelle »[30], établit, comme Breton, une convergence entre ce que la psychanalyse démontre et ce que le poète découvre : les affects, l’irrationnel en l’homme, mais aussi la force des conflits. Il voit dans la domestication de la libido  par la raison une contradiction dans les termes. Il ne cesse de répéter, comme stupéfait, que Freud ne met « rien au-dessus de la raison » alors que lui la dénigre comme machine à faire des preuves. Dans Baudelaire et l’expérience du gouffre, il rapprochera la sublimation de l’Aufhebung chez Hegel. Il finit par prononcer des jugements sans appel sur le freudisme. Il met en valeur « l’effort de sa pensée » mais dénigre les « résultats obtenus»[31] qu’il qualifie de « minime hypothèse obscure et encore approximative »[32]. Dans le feu de la polémique, les principaux concepts, libido, sublimation, sont qualifiés de « mythiques »[33] . Fondane dénie à Freud la possibilité d’explorer rationnellement l’irrationnel- comme Chestov reproche à Karl Jaspers de revenir à Kant pour faire entrer l’existence, le non-rationnel dans la philosophie.

 

Dans l’ensemble, Fondane minimise les différences entre L’Avenir d’une illusion et Les Deux Sources, car dans un cas comme dans l’autre, Dieu disparaît, meurt. Cette conclusion implique tout un dispositif critique inspiré de Nietzsche.

 

Les ambitions de la critique : De la « fabrique » des dieux à la « mort de Dieu »

 

La stratégie consiste à éviter d’entrer dans la machine conceptuelle des deux auteurs mais à débusquer chez Freud et Bergson des traces d’« idéal ascétique ». Cette morale du renoncement, de refus des plaisirs est particulièrement affirmée pour Freud. Celui-ci qui a « horreur du plaisir, du confort, du bien-être »[34], est d’emblée dépeint comme « l’avocat du renoncement aux désirs ». Pour Fondane, le psychanalyste a dépassé son inspirateur, Kant et la loi morale dont la structure s’inscrit désormais au tréfonds de la psyché, de ses conflits. Il n’y a pas d’analyse de la fonction du « sur-moi », seulement de l’ironie qui opère comme une machine de guerre contre ce moralisme. Freud chercherait la respectabilité.

Sur ce point, il existerait une parenté essentielle entre Freud et Bergson : « les deux hommes ne diffèrent que par la méthode employée ». Dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, Bergson qui fonde en même temps la morale et la religion partagerait les mêmes préjugés moraux que Freud. Fondamentalement, le moralisme de Bergson a biaisé sa recherche dès le départ : « Contraint de s’exprimer en termes moraux, il a préféré trahir ses propres conclusions, qui lui ont valu la renommée : tel est le prestige de la morale ! »[35] Sur le mode de la narration sarcastique, Fondane révèle : « et brusquement, Bergson décidera de s’attaquer au « plaisir » ».

Fondane repousse la morale, « humaine trop humaine », selon la description de Nietzsche, en  déplorant son impuissance à entraver le développement de l’immoralisme. Mais l’« idéal ascétique » désigne aussi tout un contenu philosophique. Prôner l’ascétisme revient à déprécier la vie telle qu’elle est pour la rendre plus vertueuse et du coup la traiter comme une apparence. La vie égare, dissimule mais éblouit aussi. Le savoir exige la dépréciation de la puissance du faux. À l’aune de la vérité, la vie devient une « erreur » et ce monde une apparence[36]. Pénétré par cette approche nietzschéenne, Fondane incrimine surtout la confusion entre morale et religion. Les analyses de détail sur la fonction fabulatrice comme sur les mystiques convergent toutes dans le même sens. « Sa religion statique ou dynamique qu’une morale déguisée »[37] ;  « créer des dieux veut dire créer des impératifs moraux »[38]. Fondane invoque l’autorité du théologien allemand inspiré par Kierkegaard, Karl Barth qui refuse de voir la religion, le protestantisme, réduit à un moralisme hautement assimilé à son époque.Fondane insiste sur la fonction politique de l’idéal ascétique : faire obéir.

Les dieux créés ont pour attribut de faire obéir les plus humbles et de les astreindre à vivre dans l’austérité, la morale laïque n’y suffisant plus. « Vite un Dieu, mais un Dieu qui prêche l’austérité. »[39]. L’extension du complexe d’Œdipe à la sphère sociale soutient la fondation symbolique d’un ordre social autoritaire. Bergson et Freud sont dépeints en bourgeois défenseurs de l’ordre social et moral. Mais la diatribe anti-conformiste inspirée de Péguy et de Marx vise avec plus de violence Bergson. Sa religion ne serait qu’une religion des œuvres, superstructure de la domination capitaliste elle-même ! Ce qui peut paraître paradoxal, même si toute l’interprétation vise à rabattre les Deux Sources sur L’Avenir d’une illusion.

Fondane effectue un déplacement du questionnement de la vérité à ce qui anime l’homme qui cherche la vérité. La critique se fait généalogie. Elle vise principalement le rationalisme lui-même dont l’essence paraît s’exprimer dans la critique de la religion. Derrière l’idéal ascétique se cachent des préjugés philosophiques[40]. La généalogie remonte au préjugé commun, au rationalisme et au moralisme qui se résume à l’enseignement des stoïciens : « Résignez-vous, ne souffrez pas, obéissez ». Fondane reprend le procès de la Raison dans les schèmes de l’exégèse chestovienne du péché originel. Le savoir et la rationalité sont réduits à une quête de néant nous privant d’une liberté originelle.

 

À travers Freud, Fondane  se heurte à toute une tradition et à ses évidences. Il en décrit la toute-puissance pour justifier sa propre violence. « C’est parce que poser certains problèmes est une opération « tabou » pour la philosophie – « tabou » dont le viol nous couvre de honte (…) – que nous avons été obligé de partir en guerre contre la philosophie ».[41] Dans la critique de la religion, « la raison est une arme à deux tranchants : d’un côté, elle brandit l’arme de l’absurdité, infaillible, et vous rend suspect en deux tours de main ; de l’autre côté, elle dispose du rire et n’a besoin que d’une seconde pour vous rendre ridicule »[42]. Fondane aimerait devenir le Voltaire de la pensée scientifique, le philosophe qui démythologise la science.

À propos du mythe construit par Freud dans Totem et Tabou[43], de son étrangeté, il réclame à son tour des preuves. Pourtant, il l’imite en fixant avec ironie dans un récit mythique sa compréhension du bergsonisme. Calqué sur la Genèse, tout en conservant le rythme haletant de L’Evolution créatrice, le mythe, qui met en récit les principaux éléments de l’analyse précédente, tourne en dérision le bergsonisme, révèle l’arbitraire d’une « religion philosophique » privée d’extériorité. Dans cette construction, le Dieu de l’élan vital se confond avec les dieux fabriqués. La fonction fabulatrice ne sert donc pas seulement à fabriquer des dieux, mais à ériger des mythes philosophiques.

Avec cette forme, les contradictions de la critique de la religion deviennent patentes : d’un côté démythologiser la Bible, les Ecritures et de l’autre forger un mythe. Pourquoi substituer à l’exégèse de l’Ecriture un mythe rationnel ? Mais Fondane va plus loin. Le Père de la horde primitive ou l’Hyper conscience de Bergson n’ont pas plus d’assise scientifique que le Dieu de l’Ancien Testament. Ainsi Fondane brise le tabou de la supériorité de la Raison sur la religion. Il rend la philosophie suspecte. Elle  repose comme la religion sur des « croyances » dans la science, le progrès. La distinction entre croyance philosophique et croyance religieuse est relativisée[44]. Les preuves ne sont pas tout. Derrière les croyances philosophiques ou religieuses, Fondane place un « contenu affectif » qui renvoie à un existant. Toute la stratégie herméneutique de Chestov et de son disciple repose sur ce postulat.

À la fin de l’article, Fondane la théorise en introduisant La Mentalité primitive de Lévy-Bruhl qui ne désigne pas seulement une mentalité prélogique. Sur ce point, accord est trouvé avec Bergson. Il n’est pas de cheminement en droite ligne, de la déraison à la raison. La raison est une catégorie primitive aussi primitive que la fonction fabulatrice, née du même acte métaphysique. Fondane en déduit un jugement catégorique : « poser cette vérité première ; que l’homme ne suspend son existence à des choses déraisonnables, que du  seul point de vue de la raison »[45]. La croyance religieuse n’est rejetée du côté de l’irrationnel que par la Raison, érigée en autorité de tutelle prétendant tout gouverner. Importent surtout ici les conséquences de portée ontologique déduites. « Il ne s’agit pas en somme de structures fondamentalement différentes », et encore moins d’un hiatus mental – qui n’existe même pas d’après Bergson, entre primitifs et civilisés – mais tout simplement de deux pôles, différemment chargés d’électricité, d’une seule et même substance »[46]. Ainsi Fondane brise les règles de constitution des catégories qui aboutissent à une antinomie irréconciliable entre ce qui est rationnel et ce qui ne l’est pas. De cette manière, il ouvre tout un horizon de pensée. L’irrationalisme cherche à élaborer de nouvelles règles. L’effort de pensée consiste à dire la fausseté des outils qui range la religiosité du côté de l’irrationnel.

La philosophie n’accède qu’aux régularités du réel et non au contingent et à l’accidentel ignorant le malheur et l’esclavage. Elle sacrifie l’individuel au général, empêchant la connaissance du concret. L’intention cachée de la philosophie consiste à ôter du monde toute transcendance pour se transformer en exercice de maîtrise.

La satire atteint son point d’orgue dans le mythe que Fondane construit à partir de Frazer, mais aussi des audaces de Freud qui transmue l’eucharistie –le dernier repas que Jésus prend avec ses disciples en repas totémique. Dans le totémisme, le repas de deuil intervient après la mort du père pour assimiler sa puissance et surmonter en commun la culpabilité résultante du meurtre. Fête et deuil sont mêlés. Le philosophe tue le père, Dieu lui-même, pour absorber sa puissance, la puissance de la religion qui jusque-là opprimait la mère, la science[47].

 

La déconstruction fondanienne qui met à nu les « évidences » de la critique philosophique de la religion vise la Raison elle-même. La généalogie de Bergson et Freud débouche sur l’ambition théorique de renverser la problématique imposée de la « fabrique des dieux » pour faire une archéologie de la « mort de Dieu ».

 

 

D’une pensée de la religion

 

Fondane entend élaborer, comme Léon Chestov[48], une pensée de la religion centrée sur la mort de Dieu. On passe de la dénonciation du rationalisme à une lamentation qui touche intimement la conscience malheureuse, religieuse.

   Tout au long de l’article, le « Dieu est mort » de Nietzsche revient comme un leitmotiv. Dans le Gai savoir, Nietzsche parle du « plus important des événements récents », l’ébranlement de notre croyance en Dieu, qui touche le fondement de « toute notre morale européenne », comme d’une libération joyeuse. L’annonce de la mort de Dieu constitue un éclaircissement des possibles qui doit être abordé sans crainte. Perspective qui paraît d’abord éloignée de la recherche de Fondane. Selon Deleuze, cette proposition n’est pas spéculative, c’est-à-dire qu’elle ne s’oppose pas à l’idée que Dieu existe[49]. C’est une proposition synthétique qui lie Dieu au temps, au devenir humain. Elle est donc essentiellement pluraliste, incluant à la fois l’existence et la non-existence. Ainsi peut s’expliquer l’utilisation complexe qu’en fait Fondane.

D’abord, cette proposition prend la forme d’une archéologie de la mort de Dieu. Cette volonté de se débarrasser de Dieu, essentielle à Freud, devient un symptôme. Les « insincérités intellectuelles » dénoncées par Freud qui fondent la critique de la religion comme illusion sont reprises à son compte par Fondane. La longue citation de Freud est retournée contre Bergson et « sa pensée soit-disant théiste ». Ainsi, le lien établi entre une pensée explicitement anti-religieuse et celle de Bergson unit tous « les faussaires, bien ou mal intentionnés, du concept de Dieu ». La critique de ces deux auteurs mène donc à une proposition plus générale sur le rôle historique joué par « l’homo philosophus » dans l’assassinat de Dieu. En déréalisant Dieu, en le réduisant à « quelque vague abstraction », « une ombre sans consistance », la philosophie a assassiné Dieu. La philosophie n’apparaît en dernière instance que comme un « essai de manducation symbolique de Dieu ». La distinction entre philosophie religieuse et laïque disparaît,  puisque  la pensée « théiste de Bergson » apparaît aussi irreligieuse que celle de Freud.

Se fond dans une même disparition le dieu « des curés et des philosophes », « dieu des "œuvres" de l’Eglise » et « dieu des "savants et des philosophes" ». Avec Kierkegaard, s’affirme l’hypothèse que les religions historiques, elles aussi, sont responsables de la mort de Dieu : « Kierkegaard nous a démontré que le christianisme a failli à sa tâche historique, que Dieu n’est pas dans le christianisme. Partout où l’on croyait voir Dieu, l’examen ne découvre qu’une absence, un trou béant ; l’histoire n’est qu’une absence totale de Dieu ».[50]

Mais, par son ampleur, la démonstration de la mort de Dieu se retourne. Chaque fois qu’on s’attaquait à Dieu, c’était à un faux Dieu. C’est pourquoi, à la rigueur, Freud est plus précieux pour la démonstration de Fondane que Bergson, car il dessine en creux l’expérience métaphysique à laquelle il fait référence. L’expérience religieuse authentique, c’est celle de la mort de Dieu : « Le Dieu éthique n’est pas Dieu ; seul le "Dieu est mort" de Nietzsche eût pu être le vrai Dieu ».  Fondane est peut-être plus nietzschéen encore qu’il n’y paraît. En effet, l’impossibilité du christianisme signifierait bien une sorte de clarification des possibles valable également pour l’exploration de l’expérience religieuse : « tous les coups de hasard de celui qui recherche la connaissance sont de nouveau permis »[51]. En faisant s’effondrer l’édifice de la morale européenne, le « Dieu est mort » ouvre des possibles quant à l’appréhension de l’expérience métaphysique. L’expérience métaphysique, qui se définit d’abord par ce qu’elle n’est pas, serait bien concrètement l’expérimentation de la mort de Dieu. En même temps, sur ce fond de rituel des mangeurs de Dieu se dessine une « sorte de sorte de présence réelle [de Dieu], celle précisément d’avoir figuré dans l’expérience ou la vision de quelques hommes, peu nombreux au demeurant »[52].

Ainsi, la conscience malheureuse religieuse, c’est l’expérience conjointe de la mort de Dieu et, par là, d’un face à face avec l’absolu qui est une expérience religieuse. Celle-ci n’est pas dans les religions établies. L’expérience métaphysique n’est donc rien moins qu’une consolation. C’est l’expérimentation déchirée d’un « Dieu terrible ». Fondane exacerbe le déchirement de la conscience : il n’est de place ni pour la sublimation ni pour l’Aufhebung. C’est l’expérience du malheur comme coprésence de la mort de Dieu dans le devenir de l’homme et de son expérience comme accès au divin.

Ainsi l’expérience des mystiques ne constitue pas, tout à rebours de l’analyse de Bergson, un dépassement de la nuit obscure qui, dans Les Deux Sources, représente la troisième étape du cheminement de l’âme mystique avant son union en acte avec Dieu. C’est dans le paradoxe que l’expérience religieuse fait sens. La figure du paradoxe, constante pour Fondane dans toute expérience religieuse véritable, est celle du « vide éthique » qui accompagne l’expérience des mystiques. Dieu est au-delà de toute éthique. Ainsi Fondane exacerbe la distinction kierkegaardienne entre stade éthique et religieux : le « stade religieux implique le dépassement du stade éthique »[53]. Le vide éthique apparaît comme la condition première du rapprochement de Dieu »[54]. L’expérience mystique  supprime à la fois le mal et le bien.

 

Néanmoins, force nous est de constater que cette idée d’une religion qui dépasse la morale, d’un Dieu au-delà du bien et du mal, reste assez indistincte. Si l’Ulysse de Fondane est juif, si lui-même l’est, qu’est ce que le judaïsme sans la Loi ? Si ce tranchant redonné à l’idée de Dieu est une manière de rendre compte du tragique de l’existence, le cœur de la conception de la religion de Fondane paraît problématique. À la limite, l’expérience métaphysique telle qu’il la conçoit, sans morale, sans social, exclut presque la religion. La conscience malheureuse religieuse se déploie entre des possibilités extrêmes, irréconciliables. Mais quelle pensée nouvelle pourra s’ajuster à cette expérience religieuse appréhendée en termes d’impossible ?

 

*

 

En définitive, « Bergson, Freud et les dieux » a les contours d’un pamphlet qui s’en prend à la toute puissance de la Raison qui dénie la croyance religieuse comme l’existant. Devenu fantôme, Dieu meurt une nouvelle fois. Mais les religions historiques participent à l’entreprise. Fondane pense avec Nietzsche et Kierkegaard, ajustant les deux pensées l’une à l’autre. Situé au-delà de l’éthique, du rationnel, au-delà des religions mêmes, le religieux repose sur des exceptions. Les mystiques chrétiens entrent dans cette catégorie, sans que Fondane veuille envisager leurs rapports à la religion comme « fait social ». Dans cet article, il ébauche une pensée nouvelle tissée par des liens entre le rationnel et ce qui ne l’est pas, « restitutrice » et nourrie de poésie.

Fondane poursuit le dialogue avec Bergson et Freud. Dans le Faux Traité d'esthétique, il radicalise la critique de la fonction fabulatrice en rapprochant Bergson de Platon. Mais en voulant restituer l’être comme durée et en proposant de retrouver le dynamique dans le statique, le vif dans le mort, autrement dit ouvrir ce qui était clos, Fondane retrouve le souffle du bergsonisme. Il rejoint aussi Freud dans le diagnostic de l’antisémitisme. Tous deux en font un produit dérivé de l’ennui et de la cruauté que susciterait un monde trop lisse sans tragique ni contradiction. L’un dénonce l’angélisme du christianisme qui s’accommode de toutes les  violences, l’autre la fausseté de l’idéalisme.

C’est dans L’Exode, ce poème à la structure biblique, que Fondane atteint le réel et le religieux, le réel devenu religieux et la religion devenue réelle. Dans le même mouvement, nous sont rendus la contingence, l’historicité – la débâcle, l’exode de tous les Français, la déréliction et le gouffre. Y est peinte toute une humanité et plus seulement des singularités en proie à l’esseulement. Ainsi se trouvent liés des éléments disjoints, le métaphysique et le social. Dans L’Exode, Fondane  exprime l’espérance messianique que la mort de Dieu se transforme en hiver de Dieu pour que la Renaissance puisse advenir.

 

 

 

 


[1] La Conscience malheureuse, Paris, Denoël et Steele,1936, Plasma, 1979.

[2] Paris, Denoël et Steele, 1932, ( PUF, Quadrige, 1995).

[3] La Conscience malheureuse, op. cit. p. 152.

[4] Il envisage le livre de Bergson comme « fruit mûr de ce renouveau » (métaphysique ), Ibidem, p 119.

[5] Ibidem p. 232. 

[6] Ibidem p.  X.

[7] Ibidem p. XI. 

[8] Assoun, Paul-Laurent, Nietzsche et Freud, Paris, PUF, 1980, 1988.

[9] La Conscience malheureuse, op. cit. p. XII.  

[10] Ce que Levinas ou Ricœur ne découvrent qu’après guerre.

[11] Ibidem p. 123.

[12] Repris dans La Pensée et le mouvant, Paris 1934.  

[13] La Conscience malheureuse, op. cit. p.  12O.

[14] Ibidem p.  121.

[15] Ibidem p.  123.

[16] Ibidem p. 122, reprise d’une citation Des Deux Sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, 1932, 1992, p. 127.

[17] Ibidem p. 135, reprise d’une citation des Deux Sources, op. cit. p. 227.  

[18] Ibidem p.  136.

[19] Ibidem, p. 127.

[20] Ibidem p.  136.

[21] Idem.

[22] Ibidem, p. 131.

[23] Idem.

[24] Ibidem p. 129.

[25] Ibidem p. 131.

[26] Il adopte la même démarche pour la philosophie et même l’art sans lui consacrer autant de place ; et l’analyse gagnerait à cette comparaison.

[27] L’Avenir d’une illusion, Paris, PUF, 1995, p. 30.

[28] Le Malaise dans la culture, traduit de l’allemand par Pierre Cotet, René Lainé et Johanna Stute-Cadiot, Paris, PUF, p. 28, cet argument est nietzschéen.

[29] Sa bibliothèque comporte le livre de Jean Baruzi, Problèmes d’histoire des religions, Paris, Felix Alcan, 1935, dont il fait un compte  rendu dans Les Cahiers du Sud, ( Marseille) ; XVI, 191, février, 1937.

[30] La Conscience malheureuse, op. cit. p.  148.

[31] Ibidem p. 142.

[32] Ibidem p. 141.

[33] Ibidem p. 153. 

[34] Ibidem p. 140.

[35] Ibidem p. 124.

[36] Tels seraient les symptômes de la névrose obsessionnelle que serait la philosophie même ; Freud l’envisage aussi comme une forme de paranoïa. Voir : Assoun, Paul-Laurent, Freud, la philosophie et les philosophes, Paris, PUF, 1976, 2005.

[37] Ibidem p. 137.

[38] Ibidem p. 125.

[39] Ibidem p. 127.

[40] Nietzsche, Humain trop humain, in Œuvres t. 1, Robert Laffont, Bouquins, 1993, p. 50.

[41] La Conscience malheureuse, op. cit. p. XX

[42] Ibidem p. 211.

[43] Aux premiers temps de l’humanité, les hommes vivaient en horde sauvage, mais subissaient la tyrannie du père, seul à disposer de toutes les femmes. Les frères se révoltent et tuent le père qu’ils aimaient malgré tout. La forte culpabilité produit un renversement. Les interdits transgressés sont intériorisés. Le père devient Dieu et l’interdiction du meurtre est érigée en « impératif catégorique » : tu ne tueras point.

[44] Voir aussi, Nietzsche, De quelle manière, nous aussi, nous sommes encore pieux, Gai savoir § 344, Oeuvres, t. II, op. cit. p. 206.

[45] La Conscience malheureuse, op. cit. p.  162.

[46] Idem.

[47] On pourrait  penser à un tableau de Daumier de 1848 qui dépeint Marianne, la République sous les traits d’une femme allaitant ses enfants.

[48] Léon Chestov est présenté par Fondane dans la Revue juive de Genève en 1936 comme le penseur de la mort de Dieu. « Léon Chestov, à la recherche du judaïsme perdu », Revue juive de Genève, n°4.

[49] Deleuze Gilles, Nietzsche et la philosophie, PUF, Quadrige, 1962, p. 174.

[50] Ibidem p.134.

[51] Nietzsche, Friedrich, Le Gai Savoir, Œuvres t. 2, op. cit. p. 206. 

[52] La Conscience malheureuse, op. cit. p.  134.

[53] Rachel Bespaloff conteste cette distinction trop tranchée.

[54] Ibidem p. 132.