L'Art en question N° 23
En mémoire
Charlotte Wardi
Charlotte Wardi avait 15 ans lorsqu’elle fut déportée à Auschwitz. Revenue en France, elle suivit des cours de littérature à l’université de Lille, avant de s’installer en Israël où elle devint professeur à l’université de Haifa. Avec d’autres collègues nous avions fondé en 1974 un centre de recherches consacré aux écrivains juifs d’Occident, domaine novateur à l’époque, et contesté dans le monde universitaire. Charlotte s’intéressa particulièrement à Gary et à Modiano. Mais elle scruta surtout le phénomène de l’antisémitisme dans la littérature française et peut être considérée comme une pionnière en ce domaine. Nous nous souvenons de son analyse pertinente de l’article de Fondane consacré à Céline dans la revue Europe de mars 1998.
Anne Quesemand
Agrégée de lettres classiques, metteur en scène, Anne Quesemand était aussi auteure de livres, actrice et réalisatrice de courts-métrages. Passionnée par l’oeuvre de Fondane, Anne l’avait introduite dans Le Colporteur d’images et rêvait de réaliser un spectacle sur le poète. Avec son époux, Laurent Berman, graphiste et musicien, elle avait créé vers 1980 le Théâtre à Bretelles. Tous deux étaient venus à Peyresq en 2014 pour y représenter La Fiancée d’aleph. Nous nous souvenons de ce merveilleux spectacle : nous retrouvâmes, enfoui en nous, l’éblouissement d’un enfant à qui l’on conte une belle histoire. C’est Anne qui nous dit au moment de leur départ de Peyresq : « Nous repartons enrichis ».
Roxana Sorescu
La carrière universitaire de Roxana Sorescu fut longument évoquée dans România literară du 26 avril 2019. Chargée de recherche à l’Institut G. Calinescu de l’Académie roumaine, elle enseignait parallèlement les langues germaniques à l’université de Bucarest. Elle consacra de nombreuses études à l’oeuvre de Tudor Arghezi, de Vasile Voiculescu, et aussi de Benjamin Fondane. Elle était d’ailleurs correspondante des Cahiers Benjamin Fondane. Cette collaboratrice était devenue une amie. Aurélien Demars la rencontra longuement à la Bibliothèque de l’Académie de Bucarest. Personnellement je n’ai pu la rencontrer qu’au téléphone, j’entends encore sa voix chaleureuse.
Gheorge Samoilă
Rien ne destinait cet ingénieur à la recherche littéraire. Toutefois, à la suite d’avatars dus au changement de régime, il se retrouva documentaliste à la Bibliothèque universitaire de Jassy. Jil Silberstein y fit sa connaissance et me le recommanda. Ainsi naquit notre collaboration et notre amitié. Car il se passionna pour la vie et l’oeuvre de Fondane, découvrit des textes inconnus ou oubliés, et suivit même les ventes de manuscrits sur internet. C’est lui qui nous communiqua la lettre de Fondane à Bousquet publiée dans ce Cahier. Lié à la communauté juive de Jassy, il avait fait des recherches sur les Justes qui sauvèrent des Juifs lors du pogom de 1941. Je ne l’ai jamais rencontré, mais j’entends encore sa voix au téléphone, enjouée, interrompue par les aboiements de sa chienne.