SOCIÉTÉ D'ÉTUDES BENJAMIN FONDANE

Baudelaire et l’expérience du gouffre N° 15

Théâtralité de Baudelaire

Ioan Pop-Curseu

Si Walter Benjamin et Benjamin Fondane ont tous deux abordé l’auteur des Fleurs du mal en tant que critiques, philosophes et traducteurs, dans un parallélisme chronologique étendu sur trois décennies, il convient cependant de noter des divergences entre eux. En effet, comment concilier l’approche marxiste que pratique Walter Benjamin (quoique son marxisme soit peu orthodoxe), avec le point de vue de la pensée existentielle, qui est celui de Fondane dans Baudelaire et l’expérience du gouffre ?[1] Il semble impossible de ramener à un commun dénominateur un penseur qui s’intéresse à l’ascension du capitalisme et à la transformation de l’œuvre d’art en marchandise soumise au principe de la libre concurrence, aux révolutions, au rapport de la littérature avec la grande presse, et surtout au déclin de l’« aura », et un penseur qui explore le gouffre, la faute, la rédemption, la souffrance. Walter Benjamin considère que le « nimbe théologique mensonger » de la « légende » de l’auteur des Fleurs du mal doit être « totalement dissipé »[2], alors que Benjamin Fondane fait de l’expérience religieuse de Baudelaire un enjeu central de son discours analytique, même si l’accent est mis souvent sur les détournements sataniques du christianisme. Baudelaire, qui cherche Dieu au-delà du bien et de l’idéal, est souvent vu par Fondane comme un « mystique à l’état sauvage »[3] (surtout dans les chapitres XXVI-XXIX de Baudelaire et l’expérience du gouffre), tout comme son système de croyances est interprété aussi en écho à la « pensée magique », telle qu’elle a été décrite par Lucien Lévy-Bruhl. Walter Benjamin ne s’intéresse guère à la question du moi, qu’il évince au profit des thèmes de la masse, de la foule (Sur quelques thèmes baudelairiens), alors que Fondane en fait le noyau même de la tentative poétique baudelairienne, en montrant que le moi souffrant transparaît sous toutes les idéologies qui essaient d’en limiter la signification culturelle.

 Chez Benjamin, le poète ne semble jamais important en tant qu’individualité, et son « flâneur » est un visage anonyme sorti pour un bref moment du flot de la foule afin de signifier que l’artiste moderne tire l’essentiel de sa vocation des rues des grandes capitales. Chez Fondane, au contraire, la rue et la modernité citadine sont absentes et son Baudelaire est plutôt un poète des profondeurs du moi qu’un poète des extérieurs de la ville.

Les intérêts purement littéraires des deux penseurs divergent aussi, ce qui se marque par le retour systématique de certains poèmes-fétiches. Ainsi, Walter Benjamin préfère le grand poème allégorique Le Cygne, le sonnet À une passante, ou bien le petit poème en prose Perte d’auréole, où il lit la désacralisation du poète moderne au cœur de la foule des grandes villes. S’y ajoutent Le Vin des chiffonniers, interprété en rapport avec l’évolution de l’impôt sur le vin,[4] Les Sept vieillards, Le Soleil, avec sa description des faubourgs. Benjamin Fondane, quant à lui, ne jure que par L’Irréparable, L’Irrémédiable, De profundis clamavi, Le Gouffre, Une charogne, Un voyage à Cythère, ou d’autres poèmes centrés sur une expérience religieuse des limites.

Toutefois, le lecteur de Baudelaire et l’expérience du gouffre et Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme est frappé par la convergence des vues, du ton, des stratégies d’écriture, et par la récurrence de certaines obsessions communes. Entre les deux livres, de mystérieuses correspondances se tissent, car les deux penseurs s’efforcent d’atteindre à la vérité ultime de la vie et au sens profond de l’œuvre de Baudelaire.

Dante, Kierkegaard, Nietzsche

La ressemblance la plus visible, puisque la plus « superficielle » vient du fait que Benjamin et Fondane partagent les mêmes références culturelles obsédantes. Ils lisent Baudelaire à travers des grilles empruntées successivement à Dante, Kierkegaard  et Nietzsche, afin de montrer que le poète des Fleurs du mal reste attaché d’un côté à la grande tradition médiévale, tout en s’ancrant d’un autre côté dans la modernité la plus inquiète.

Walter Benjamin affirme que la parenté entre Les Fleurs du mal et La Divine Comédie réside dans « l’insistance avec laquelle le livre trace les contours d’une existence créatrice », en plaçant le poète « au premier plan », mais en le dépouillant cependant de toute « vanité ».[5] Chez Fondane, la comparaison de Baudelaire avec Dante, se fonde sur une intuition ancienne. En effet, dans un article publié dans Rampa, le 26 octobre 1921, Fundoianu souligne le poids du catholicisme de Baudelaire, en proposant la comparaison avec L’Enfer de Dante,[6] pour y revenir dans Baudelaire et l’expérience du gouffre, où les deux enfers seront cependant différenciés l’un de l’autre, car Baudelaire explore le sien dans un temps qui a perdu le goût du religieux (le siècle du positivisme de Comte, et de la croyance au progrès linéaire et continu de l’humanité). Et puis, Fondane se plaît à souligner que Les Fleurs du mal s’écartent de La Divine Comédie par le néant, car chez Dante il n’y en a pas, alors que le « gouffre » palpite au centre de l’expérience poétique de Baudelaire !

Quant à Kierkegaard et Nietzsche, leur utilisation fréquente chez Walter Benjamin et chez Benjamin Fondane ne va pas sans quelques différences sensibles. Benjamin reprend la théorie des trois stades de l’existence chez Kierkegaard, en soulignant que l’on a pu légitimement rapprocher l’esthétisme baudelairien de celui qu’a théorisé le philosophe danois, alors que chez Nietzsche c’est l’éternel retour et surtout l’héroïsme qui l’intéresse, dans ses entrecroisements avec l’idée baudelairienne d’une modernité héroïque. Fondane, au contraire, met l’accent sur des thèmes comme la folie, l’absurde, la cruauté, le sacrifice, la mort, communes au poète français, au philosophe danois et au penseur allemand. On voit bien, à travers ces quelques observations, que Walter Benjamin n’est pas réceptif aux thèmes que la philosophie existentielle du XXe siècle dégage chez Kierkegaard ou chez Nietzsche. Pourtant, à certains moments, il y a des recoupements étonnants avec la pensée de Fondane, surtout lorsqu’ils s’occupent du démoniaque chez Baudelaire, en écho à la théorie du démoniaque chez Kierkegaard : « L’héroïque chez Baudelaire est la forme sublime sous laquelle le démoniaque se manifeste, et le spleen sa forme vile et barbare. »[7] Ce sont là des mots que Fondane lui-même aurait pu écrire au chapitre XII de Baudelaire et l’expérience du gouffre, où il assure ses lecteurs que le poète a « tous les traits du démoniaque », tels qu’ils sont mis en évidence par Kierkegaard.[8]

Paul Valéry

Il y a aussi chez les deux auteurs une référence de poids à l’étude classique que Paul Valéry a consacrée aux Fleurs du mal : Situation de Baudelaire (1924). Dans cette conférence, célèbre à plus d’un titre, Valéry s’efforce de dire pourquoi dans la littérature française il n’y a pas de poète plus « important » que Baudelaire, même s’il existe « des poètes plus grands et plus puissamment doués » que lui.[9] « Romantique d’origine, et même romantique par ses goûts », [10] Baudelaire a néanmoins choisi de s’opposer au « système, ou à l’absence de système, que l’on appelle le romantisme », [11] et de cultiver « la volonté de perfection, – le mysticisme de “l’art pour l’art”, – l’exigence de l’observation et de la fixation impersonnelle des choses ; le désir, en un mot, d’une substance plus solide et d’une forme plus savante et plus pure ».[12] Selon Valéry, en cultivant une forme en dernière analyse classique, Baudelaire s’oppose à tous les poètes de la génération précédente, par rapport auxquels il circonscrit un espace poétique nouveau, inexploré.

Walter Benjamin cite deux fois de manière élogieuse l’étude de Paul Valéry. La première fois, dans Zentralpark, où il essaie de thématiser Les Fleurs du mal comme « arsenal » et se propose de développer les remarques célèbres de Valéry, qui suggérait que les poèmes de Baudelaire ont été écrits pour en « détruire » d’autres, composés avant eux.[13] La deuxième fois, dans le même esprit, Valéry est invoqué dans Sur quelques thèmes baudelairiens, avec son introduction « classique » aux Fleurs du mal : Benjamin cite le paragraphe où il est question de « raison d’État » chez Baudelaire, c’est-à-dire du besoin d’être un grand poète, sans être ni Hugo, ni Lamartine, ni Musset.[14]

Benjamin Fondane, quant à lui, critique souvent Paul Valéry, qui ne voit que le côté esthétisant, raffiné, subtil des Fleurs du mal, en omettant sciemment tout ce qui a trait à la choquante réalité du gouffre. Quoique Fondane vitupère sans cesse contre la position classicisante de Valéry, il ne manque cependant pas de mettre en évidence un paradoxe : parfois, Baudelaire lui-même adopte par rapport à soi et à sa pratique poétique la même attitude que celle de Valéry (tous deux l’héritent, d’ailleurs, de Poe, et – plus loin – du XVIIe siècle). Selon Fondane, il arrive que Baudelaire croie fermement au formalisme que lui transmet la tradition du XVIIe siècle classique (Boileau, Racine), tandis que d’autres fois le poète s’en sert comme d’un masque, destiné à empêcher les trop curieux de pénétrer dans le laboratoire intime du créateur. C’est justement dans la lutte acharnée avec le « sens critique » (tant loué par Valéry), qui pousse sans cesse Baudelaire à réviser sa conception formaliste (« classique ») afin d’ouvrir au cœur de la poésie l’espace le plus large pour l’« expérience du gouffre », que réside la modernité fondamentale du poète des Fleurs du mal.

Poète de la modernité

Puisque l’article de Valéry a été mentionné, il s’avère naturel de reprendre ce terme de « situation », censé circonscrire la position exacte de Baudelaire dans l’histoire de la poésie française. Une chose étonnante est que Walter Benjamin et Benjamin Fondane présentent cette « situation » de Baudelaire de la même manière. Pour les deux essayistes, Baudelaire a peu de rapport avec l’esthétique classique, et même chez Walter Benjamin, ce n’est pas cet aspect-là qui est retenu du texte de Valéry. Au contraire, puisque Benjamin a consacré un livre au baroque, où il est souvent question de l’allégorie (L’Origine du drame baroque allemand, 1928), et puisqu’il veut faire de Baudelaire un grand poète de l’allégorie (dès 1935 : Paris, capitale du XIXe siècle), le rapprochement entre Les Fleurs du mal et les chefs-d’œuvre du baroque s’institue tout naturellement. Dans Zentralpark, en la liant avec l’état privilégié de la mélancolie, Walter Benjamin s’occupe extensivement de l’allégorie baudelairienne, et montre qu’elle partage avec l’allégorie baroque une prédilection commune pour les cadavres, squelettes, crânes, figures féminines (prostituées), mais qu’elle se différencie des pratiques poétiques du XVIIe siècle, car chez Baudelaire elle est agressive, discontinue, fulgurante, et surgit dans le chaos de signes contradictoires de la ville moderne. Chez Benjamin Fondane, Baudelaire se voit rattaché à l’expérience pascalienne du « gouffre », qui se trouve à l’opposé du rationalisme étroit de Boileau ou de Malherbe. Bien qu’il veuille souvent écrire des vers équilibrés et limpides comme ses grands prédécesseurs du XVIIe siècle (ce que Fondane admet, sur les traces de Valéry), Baudelaire se retrouve à son corps défendant plongé au cœur d’une autre tradition poétique : « Qu’y pouvait-il si, en la partie la plus précieuse de son âme, il était un sauvage ? S’il était porteur, malgré lui, d’un des plus extraordinaires chefs-d’œuvre du baroque ? »[15]

Le rattachement de Baudelaire à la tradition du baroque va de pair avec des doutes sur la grande tradition de l’idéalisme philosophique. Selon Fondane, le grand mérite de Baudelaire est de renverser toute une conception idéaliste de la Beauté et de l’art, qui avait primé en Europe de Platon à Hegel. Le Beau n’est plus la « manifestation sensible de l’Idée », et – dans la redéfinition qu’en donnent Les Fleurs du mal – il s’ouvre aux imperfections, à la laideur, au grotesque, à l’horreur, à la « fangeuse grandeur » et à la « sublime ignominie »,[16] qui remplacent les nobles élans du cœur, les sentiments éthérés et les perfection irréelles de l’art classique et même d’un certain romantisme. Sans insister trop là-dessus, Walter Benjamin saisit bien que Baudelaire se place en dehors de « l’idéalisme humanitaire », caractéristique des œuvres de Victor Hugo ou de Lamartine,[17] ce qui situe sa pensée dans la continuité de celle de Fondane.

Tout cela, c’est-à-dire le refus du classicisme, la résurrection de l’esthétique baroque, la critique de l’idéalisme platonicien ou hégélien, fait de Baudelaire un « phare » de la modernité, à la fois pour Walter Benjamin et pour Benjamin Fondane. Walter Benjamin s’intéresse, comme on l’a marqué plus haut, à l’héroïsme dont l’homme moderne doit faire preuve, dans la vie grouillante des grandes capitales : le poète doit se retourner contre la foule, s’en inspirer et en extraire les thèmes majeurs de sa création poétique. Le rapport Antiquité / modernité occupe une place importante dans les réflexions critiques de Baudelaire, et c’est là qu’il faut chercher la seule conception constructive de l’histoire, chez ce poète du XIXesiècle, qui veut que le présent soit digne de revêtir les traits de l’antique et que l’homme moderne – sous les apparences du dandy – retrouve le prestige des héros du monde ancien. Chez Benjamin Fondane, si héroïsme il y a, il ne peut surgir que de l’entêtement avec lequel Baudelaire affronte l’ennui, véritable fléau du monde moderne. Dans Baudelaire et l’expérience du gouffre, la modernité de Baudelaire est liée à l’originalité de son expérience religieuse et à l’ennui, en dehors de toute considération sur les masses, l’industrialisation, la marchandise et les rapports de production. Dans les quelques phrases suivantes, extraites du chapitre XXX, des échos de Kierkegaard refont encore une fois surface :

Nous allons jeter un dernier regard sur l’expérience religieuse de Baudelaire et notamment sur le courant profond et souterrain de cette expérience qui, plus que toute autre chose fait de lui le “poète de la modernité” ; et n’est-il pas le poète de l’ennui ? […] Il est clair que l’ennui de Baudelaire n’est pas un ennui personnel, mais l’ennui dans la civilisation et peut-être l’ennui dans le cosmos : c’est pourquoi il prend, chez lui, des proportions aussi immenses que significatives. […] Poète de la modernité ! Personne n’a mieux que Baudelaire exprimé l’angoisse de l’acosmisme, car l’ennui est angoisse et comme l’acosmisme est néant, l’ennui est angoisse du néant. [18]

Création poétique moderne

La modernité de Baudelaire, qu’elle soit essentiellement citadine ou liée à l’expérience quasi-religieuse de l’ennui, suppose un renouvellement profond des stratégies de création poétique. Walter Benjamin lie le renouvellement de l’expression lyrique chez Baudelaire à une expérience du « choc », thématisée dans l’essai Sur quelques thèmes baudelairiens[19]. L’homme moderne doit payer un grand « prix » pour « sa sensation », à savoir « l’effondrement de l’aura dans l’expérience vécue du choc » : l’art moderne perd sa valeur sacrée, au profit d’autres valeurs qui sous-tendent un nouvel espace littéraire. La « connivence » de Baudelaire avec « l’effondrement de l’aura » lui a coûté très cher, mais c’est là une « loi » suprême de sa poésie, qui marque de son éclat le ciel sombre du Second Empire.[20] Au niveau de la forme poétique, le choc se manifeste par la teneur de l’incipit, qui véhicule toute la charge de nouveauté de l’expression baudelairienne, ainsi que par des espacements, des heurts, des écroulements de vers sur eux-mêmes, ou par l’abondance de stéréotypes (comme chez les poètes baroques). De manière peu surprenante, le substantif « choc » et le verbe « choquer » apparaissent de manière abondante dans Baudelaire et l’expérience du gouffre. Comme chez Walter Benjamin, il s’agit à la fois de subir des chocs existentiels et – en retour – de choquer les lecteurs. Selon Fondane, Baudelaire choque notre goût ou notre sens moral, par l’agressivité explosive de ses vers, par l’audace des images ou par la violence des expériences de vie que sa poésie propose. Devant cette force, la faiblesse de certains vers baudelairiens, que Valéry s’empresse de souligner, n’a plus d’importance, car le poème moderne se soumet à d’autres impératifs qu’aux règles de la versification et de la perfection classiques.

Une phrase extraite d’Une mort héroïque, que Benjamin Fondane met en exergue à son livre, « l’ivresse de l’art est plus propre que toute autre à jeter un voile sur les terreurs du gouffre »,[21] éclaircit un principe esthétique fondamental de Baudelaire. Le jeu de l’art (rimes, rythmes, sonorités, esthétismes de toutes sortes) rend acceptable le « choc » produit par les révélations douloureuses de l’abîme, que le poète a reçu telles quelles, mais qu’il ne peut retransmettre sans l’enveloppe sécurisante d’une certaine beauté. Baudelaire, soucieux de ses réussites formelles au même point que de l’énergie sauvage que doit dégager sa poésie, est pourtant conscient que les prestiges de l’art sont impuissants devant les épouvantes de l’infini. Dans un paragraphe de Zentralpark, Walter Benjamin exprime une thèse étonnamment proche de celle qui se trouve à la base de Baudelaire et l’expérience du gouffre : « La clé du comportement de Baudelaire avec Gautier doit être cherchée dans la conscience plus ou moins nette, chez le cadet, de ce que l’art lui-même ne dresse pas de limites devant son impulsion destructrice. De fait cette limite n’est pas absolue pour l’intention allégorique. »[22]

Biographie

Plus encore, à la fois Walter Benjamin et Benjamin Fondane mettent en évidence la signification des « chocs » dans la vie même de Baudelaire. À la fois pour le philosophe marxiste et pour le penseur existentiel, la biographie revêt une importance majeure dans la mesure où elle permet d’éclairer l’œuvre et de montrer que celle-ci n’a de valeur que parce qu’elle se nourrit d’une vie et répond aux exigences d’une existence réelle. Le « choc » déterminant pour la vocation de Baudelaire, selon Benjamin et Fondane est, bien sûr, le remariage de la mère du poète avec le général Aupick, alors que le petit Charles n’a que six ans. Ce choc affectif est susceptible d’une interprétation psychanalytique et, tel quel, il explique la dépendance du poète envers sa mère, perpétuée et accentuée à l’âge adulte. La psychanalyse n’est cependant pas suffisante, et Walter Benjamin ajoute en bon marxiste une « cause sociale » à la relation étrange de Baudelaire avec Mme Aupick,[23] tandis que Benjamin Fondane souligne que le choc primitif a été amplifié à l’extrême par le sentiment quasi-religieux de perte du paradis, de coupure des sources vives de l’existence que l’enfant a dû ressentir avec une douloureuse acuité. C’est dans le sentiment de perte que s’enracine, selon Fondane, le travail de mémoire qui est si important pour la poétique de Baudelaire. La lecture de Bergson a sans doute laissé ici quelques sédiments, comme chez Walter Benjamin, qui articule plusieurs pages de Sur quelques thèmes baudelairiens autour du triangle Baudelaire-Bergson-Proust.

Pour revenir à la psychanalyse, il faut dire que Benjamin et Fondane se montrent tous deux très critiques par rapport à la seule grande interprétation psychanalytique de la vie et de l’œuvre de Baudelaire, réalisée avant 1940, par le Dr René Laforgue : L’Échec de Baudelaire.[24] Pour René Laforgue, Baudelaire entre dans une classe particulière de malades, avec tous ceux qui sont amoureux de leur propre déchéance physique et spirituelle, créant leur propre échec, et préférant rester en dehors de la vie et de ses valeurs. Le désir de rester en dehors de la vie est identifié par René Laforgue avec le désir de rester éternellement un enfant près du sein maternel : dans l’immaturité affective du poète, le psychanalyste retrouve la persistance d’un complexe d’Œdipe mal résolu.

Walter Benjamin s’oppose à ce genre d’interprétation simplificatrice, en montrant qu’elle s’accorde « terme à terme » avec les « études conventionnelles » entreprises par la vieille « histoire littéraire ».[25] J’ai l’impression que Fondane serait d’accord avec la remarque qui regarde le déterminisme, et avec le fait que la psychanalyse n’est qu’une continuation de l’histoire littéraire faite dans l’esprit de Sainte-Beuve et Thibaudet. Même s’il reprend quelques aperçus de la psychanalyse dans Baudelaire et l’expérience du gouffre, Fondane en critique la tendance à tout expliquer par les manifestations de la sexualité infantile (chapitre XII). Sa référence au livre de René Laforgue est directe et polémique : Fondane cite des passages où le psychanalyste affirme péremptoirement que Baudelaire n’est pour lui qu’un malade parmi d’autres, un sacrifié de la vie, bref un raté. Le rejet des thèses de Laforgue se construit autour de la question de l’« échec » : la vie de Baudelaire ne peut pas être jugée sous cet angle, ne serait-ce que l’étonnante « réussite » des Fleurs du mal.[26] L’échec et la réussite semblent intéresser fort peu Walter Benjamin, quoique certaines remarques sur les Fleurs du mal suggèrent qu’il accordait au volume le statut de livre le plus important du XIXe siècle (il en parle comme du dernier recueil de poésie lyrique à avoir joui d’une célébrité européenne).

On ne saurait mieux clore ces propos consacrés aux ressemblances entre les interprétations baudelairiennes de Walter Benjamin et Benjamin Fondane, qu’en soulignant la présence dans leurs textes respectifs de quelques échos significatifs du judaïsme, plus forts cependant dans Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme que dans Baudelaire et l’expérience du gouffre. Walter Benjamin fait des allusions à la situation politique et à des figures nazies sinistres, tels Horst Wessel qui est devenu le héros d’une chanson antisémite populaire.[27] Benjamin attaque de front – quoique sans nuances – la question de l’antisémitisme de Baudelaire, qu’il juge comparable avec celui de Bagatelles pour un massacre de Céline.[28] De plus, l’on trouve chez les deux auteurs des renvois aux prophètes de l’Ancien Testament. Le choix des figures tutélaires marque la différence subtile des deux approches de Baudelaire, alors que l’analyse se fait dans le même esprit. Walter Benjamin souligne que Baudelaire avait une nostalgie, à l’égard d’une figure-clé de la mythologie historique juive : « Interrompre le cours du monde : c’était le désir le plus profond de Baudelaire. Le désir de Josué. »[29] Or, Josué est un héros successeur de Moïse, chef militaire et inspiré de Dieu, figure puissante et messianique, ce qui rattache parfaitement ce détour prophétique à la théorie de la modernité baudelairienne, élaborée par Walter Benjamin. De son côté, Fondane semble avoir eu l’intention de mettre son Baudelaire sous le signe de Job, comme le montre un passage du dactylogramme d’une version du chapitre XIV, non retenu par les éditeurs pour l’édition de 1947, ou bien un passage du chapitre XXVI, supprimé dans la publication en volume. La vie de Job, le torturé, l’homme absurde, l’esprit religieux le plus profond qui soit, resémantisée par Kierkegaard, même si elle reste en dehors du texte publié de Baudelaire et l’expérience du gouffre, constitue un des plus purs emblèmes de la vision que Fondane entend donner de l’expérience baudelairienne.

Théâtralité

Mais le phénomène le plus étonnant, c’est que Walter Benjamin et Benjamin Fondane semblent mettre la vie et l’œuvre de Baudelaire sous le signe de la théâtralité, sans toutefois utiliser ce concept, qui n’avait pas encore – dans les années ’30 et ’40 – la précision et le prestige dont il jouit aujourd’hui, suite à l’élaboration d’une longue série de théories : existentielles (Nicolas Evreïnoff)[30], sémiotiques (Roland Barthes)[31], ou bien psychanalytiques (Yves Thoret)[32]. Pour bien saisir les ambiguïtés et les innombrables virtualités du terme, il faut remonter, par une analyse linguistique, jusqu’au mécanisme de sa constitution. À partir d’un substantif (théâtre), par ajout successif de suffixes, on a forgé tout d’abord un adjectif (théâtral) et, ensuite, un autre substantif (théâtralité). Si le premier substantif est très ancien (attesté déjà au XIIIe, cf. Le Petit Robert) ou l’adjectif assez ancien (attesté au XVIe, cf. toujours Le Petit Robert), le substantif formé au bout de la chaîne dérivative est attesté seulement vers le milieu du XXe, quand la langue semble avoir eu besoin d’exprimer, de circonscrire l’essence du théâtre. La lexicologie ne peut cependant pas réduire à un schéma strict la multiplicité des contextes (linguistiques et sociaux) d’emploi d’un mot, et les obscurités qui découlent de ces emplois : ainsi, puisque théâtral signifie, dans les dictionnaires, à la fois « ce qui est propre aux exigences du théâtre, de la scène », et « faux, joué ; antonymes naturel, spontané », la théâtralité, dérivé de théâtral, se charge, par le phénomène même de la dérivation, de ces ambiguïtés du lexème de base. « Théâtralité » signifierait donc à la fois : qualité de ce qui est propre aux exigences du théâtre, de la scène, et fausseté, trahison, jeu, mensonge, masque, artifice, etc. Les deux acceptions principales du terme se retrouvent chez Benjamin Fondane et Walter Benjamin, qui remarquent sans cesse l’omniprésence dans les relations sociales et dans les œuvres de Baudelaire d’une série d’attitudes du sujet qui relèvent de la « duplicité »,[33] de la mystification, de la bouffonnerie, de la fascination du masque, du goût pour le décor, pour la mise en scène et pour les renvois à l’univers esthétique du théâtre.

À partir des témoignages des contemporains de Baudelaire (Champfleury et Vallès, entre autres), Walter Benjamin souligne la facilité du poète de changer de figure, d’aspect, de conduite et d’identité : comme il n’a pas de « conviction » profonde, il est tour à tour dandy, apache, héros,[34] et sa physionomie a la mobilité de celle d’un « mime ».[35] Le rôle du héros, important pour la modernité, est assumé par le poète sous des dehors « comiques », même s’il s’agit là d’un rôle essentiellement « tragique ».[36] La « nature excentrique » de l’homme Baudelaire est un « masque » sous lequel le poète préserve son « incognito ».[37] C’est à cette facilité de se mettre en scène que se rattache la « fascination » de Baudelaire « pour le décor peint » de théâtre.[38] L’importance du cadre de jeu est, pour le penseur juif allemand, énorme : la ville moderne, métropole immense, est devenue un « théâtre », qui offre au spectateur avide – « flâneur » immergé dans la foule, ou assis à la table d’un café – des suites de spectacles beaux ou horribles. Les rues du Paris haussmannien, les grands magasins, les passages, les panoramas, les Expositions universelles, les théâtres et les salles de concerts, la foule amorphe composée de riches et de pauvres, tout cela constitue un « spectacle » qui est pour certains une source d’ivresse, pour d’autres une source de tristesse. L’homme moderne, le poète moderne  doit laisser « le spectacle de la foule » agir sur lui en s’immergeant dans ce theatrum mundi,[39] si bien décrit par Baudelaire dans Les Sept vieillards. La conscience du theatrum mundi est d’ailleurs aiguë chez Walter Benjamin, qui emprunte cette métaphore au XVIIe siècle et lui donne de nouvelles dimensions pour l’interprétation du XIXe siècle et surtout de Baudelaire (voir L’Origine du drame baroque allemand).

Pour Benjamin Fondane aussi, Baudelaire assume des « rôles » : il « joue » la « soumission » aux lois sociales, loue les valeurs qu’il transgresse, mime le discours esthétique accepté par la bienséance,[40] et se fait dandy. Le dandysme est une « digue » que l’auteur des Fleurs du mal tente d’opposer à son « triste moi », c’est une façon de « dissimuler » et de « faire pardonner » le sauvage, qui est cependant « la partie la plus précieuse de son âme ». Le dandy n’est pas celui qui passe ses vêtements au « verre » pour leur ôter l’éclat endimanché, mais celui qui « passe son moi au verre », et sa conduite se résume bien dans la formule anglaise citée orgueilleusement par Baudelaire : Self purification and antihumanity. Au fond, tout comme pour Walter Benjamin, le dandy appartient essentiellement à la modernité : « de tous les termes modernes », il est « celui qui correspond le mieux à la notion de saint ». Et c’est ici que Baudelaire émet sa « théorie de l’artifice » (théorie bien dangereuse, d’ailleurs, car problématique du point de vue de la morale commune et insoutenable du point de vue de la logique étroite) : la vertu est artificielle (donc irréelle), le crime est naturel ![41]

Le poète met souvent des « masques », dont celui de dandy, et ce terme spécifique du théâtre occupe une centralité symbolique dans Baudelaire et l’expérience du gouffre, où il revient avec une constance étonnante, surtout au chapitre V. Ces « masques », Baudelaire les fabrique lui-même avec un « art parfait », il passe du temps à les ajuster au visage, laisse voir qu’il s’agit de masques ou va même jusqu’à les « ôter » quand les circonstances lui semblent l’exiger.[42] Pourquoi cette ardeur à se cacher derrière des figures d’emprunt ? Parce que, selon Fondane, l’homme Baudelaire doit taire aux autres le fait qu’il est un « sauvage » et que c’est là « la partie la plus précieuse de son âme », tandis que le poète (quoique la séparation entre les deux ne soit pas aussi nette) voile avec soin « la nouveauté effrayante dont il est le siège ».[43] Baudelaire, « irrité de se sentir deviné » a adopté une stratégie profondément théâtrale : il « s’est évertué à mieux encore ajuster son masque » et s’est fait le champion d’une « esthétique qui devait faire oublier au lecteur les révélations trop claires que lui communiquait sa poésie ».[44] Walter Benjamin observe aussi, sans pousser cependant son intuition aussi loin que Fondane, que Baudelaire a besoin du masque pour dissimuler la vérité d’une forme de vie nécessaire au poète, mais inacceptable socialement : « La nature excentrique de Baudelaire était un masque sous lequel il tentait de cacher, on peut dire par pudeur, la nécessité supra-individuelle de sa forme de vie, et jusqu’à un certain degré, du destin auquel elle était soumise. »[45] Soulignons tout simplement que, malgré la quasi-identité des formules, là où Walter Benjamin dit « pudeur », Fondane aurait dit « horreur, dégoût, peur, écœurement, nausée, répulsion », afin de rester fidèle aux grandes lignes de la pensée existentielle.

À la fois pour Walter Benjamin et pour Benjamin Fondane, Baudelaire cèle théâtralement sa vraie identité, qu’il ne veut et ne peut pas montrer aux autres. Leurs hypothèses explicatives sont encore une fois convergentes : le poète est un être inacceptable socialement, car la société n’a pas besoin d’un certain type d’artistes, subversifs, corrosifs, immoraux. C’est là qu’interviennent pourtant des différences de nuance entre Walter Benjamin et Benjamin Fondane, comme celles que nous avons mises en évidence précédemment. Benjamin, fidèle à son orientation idéologique marxiste, avance le fait que Baudelaire était obligé de jouer le rôle de l’écrivain devant des « spectateurs » appartenant à une société qui n’en avait plus besoin – économiquement –, et qui lui accordait tout au plus la liberté d’action d’un « mime ».[46] La « bouffonnerie de son attitude » s’explique par l’obligation de « revendiquer la dignité de poète » dans une société qui n’avait plus aucune dignité à accorder, [47] même si Baudelaire a compris les exigences à long terme du marché littéraire et a cherché à s’y plier.

Ce genre d’explication sociologique de la théâtralité baudelairienne intervient aussi à propos du dandy. Pour Walter Benjamin, le héros n’a pas vraiment de place prévue dans la modernité, qui le retient immobile au port, ne pouvant pas se servir de lui tel quel : le héros, dans sa dernière incarnation, c’est le dandy. Benjamin propose une hypothèse marxiste de l’origine du dandy, en soulignant que c’est une création des Anglais au moment où ils détenaient la suprématie dans le commerce mondial, et où ils avaient besoin de surveiller leurs réactions psychologiques pour gagner dans les affaires. Baudelaire est, selon Walter Benjamin, un dandy raté, car il ne sait pas plaire en déplaisant, ce qui constitue peut-être l’impératif majeur du dandysme.[48]

Chez Benjamin Fondane, aucune trace, cependant, d’explications sociologiques, ce qui ne veut pas dire qu’il soit insensible aux questions sociales, auxquelles il prête volontiers une dimension métaphysique. Pour ce qui est du dandy, tout au plus souligne-t-il qu’« historiquement » le dandy est une création du XIXesiècle anglais, auquel Baudelaire l’emprunte sans vraie « nécessité interne », mais en y imprimant ses besoins, ses aspirations, ses conceptions poétiques.[49] L’explication que donne Fondane de la théâtralité baudelairienne est parfaitement intégrée dans sa philosophie existentielle : elle est de nature métaphysique, et c’est pourquoi le theatrum mundi avec ses spectacles de rue n’y tient qu’une place modeste, voire nulle. Baudelaire joue la comédie pour soi-même et pour les autres indifféremment du cadre, et même sa passion du « décor de théâtre » est traduite par Benjamin Fondane dans les termes d’une métaphysique de l’art.[50] Selon Fondane, ce que la société est incapable de comprendre, ce sont les vérités du gouffre, qui font parfois peur au poète lui-même. Pour les faire parvenir au public, il faut édifier une esthétique, même si mensongère, il faut faire de soi-même un acteur à résonance universelle, un concentré vivant de théâtralité :

Nul doute que, dès le début, l’intelligence de Baudelaire ne se soit saisie avec quelque répugnance de la manière extravagante dont la poésie entendait s’exprimer en lui, à travers lui, et qu’il ne se soit cru le droit et le pouvoir d’intervenir, afin d’y mettre “bon ordre”. […] Mais il n’a pas fallu longtemps à Baudelaire pour réaliser son impuissance devant l’événement ; il a compris qu’il était impossible d’endiguer le raz-de-marée avec ses mains. C’est alors, seulement, qu’abandonnant un combat inégal et désespéré, son effort conscientiel se concentre sur la seule issue qui lui demeure possible : jouer la comédie, à soi-même et aux autres. C’est pour de tels usages qu’on a inventé la philosophie, c’est de crises pareilles qu’elle est née et c’est à cause de cela que Baudelaire est acculé à mettre au jour sa philosophie de l’art. C’est l’instant où l’esprit critique de Baudelaire se constitue, prend conscience de ses desseins et atteint les proportions du mythe.[51]

 

Pourquoi cette insistance sur la théâtralité baudelairienne dans ces deux approches contemporaines, et cette similarité de l’hypothèse explicative, avec les nuances que j’ai mises en évidence, dérivées notamment de l’opposition marxisme / pensée existentielle ? Il est tout à fait légitime de se le demander et de tenter une brève explication. Fort probablement, c’est le moment historique lui-même qui  est déterminant. Walter Benjamin et Benjamin Fondane, auteurs soumis à la pression d’une histoire impitoyable, lisent Baudelaire à la lumière des prophètes juifs et en fonction de leurs obsessions intimes, la modernité, le choc, la place du poète dans la société et dans le cosmos. Confrontés à de douloureux problèmes d’identité, Walter Benjamin et Benjamin Fondane projettent sur Baudelaire leurs propres angoisses, leur besoin de (se) jouer, leur désir de porter des « masques » qui les rendent méconnaissables, ainsi que leur déception de voir l’écrivain réduit au rang d’un simple esclave des bourreaux qui menaient le monde en 1939-1944. Dans les années troubles de la Seconde Guerre Mondiale, la question du « rôle » acquiert pour nos auteurs la dignité d’un problème métaphysique, de sorte que leur lecture est d’une grande richesse : elle ne cesse de nous hanter, portant en surimpression deux des tragédies les plus exemplaires du XXesiècle, celle de Walter Benjamin et celle de Benjamin Fondane.


[1] Je me réfère exclusivement à l’édition originale : Baudelaire et l’expérience du gouffre, Paris, Pierre Seghers, 1947, réimprimée en 1972, toujours chez Seghers, et republiée en 1994 aux Éditions Complexe, avec beaucoup d’erreurs.

[2] Walter Benjamin, Charles Baudelaire, Zentralpark, 5, p. 214. J’ai consulté l’édition : Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme. Traduit de l’allemand par Jean Lacoste, Payot, 2002.

[3] Baudelaire et l’expérience du gouffre, p. 296.

[4] W. B., Charles Baudelaire, Le Paris du Second Empire chez Baudelaire, pp. 34-38.

[5] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 32, p. 239.

[6] Stendhal  (1921), in Imagini şi cărţi (Images et livres), Édition de Vasile Teodorescu, Étude introductive de Mircea Martin, Bucarest, Minerva, 1980, p. 248 : « Baudelaire aurait à tout moment pu écrire L’EnferLes Fleurs du mal  seraient-elles autre chose ? N’est-ce pas la même vision effrayante et la même maîtrise supérieure dans la valorification de la vision ? » (Notre traduction).

[7] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 20, p. 228.

[8] Baudelaire et l’expérience du gouffre, p. 128 : « Kierkegaard nous assure que le démoniaque est un pécheur caractérisé par son hermétisme ; il ne peut dire, ni avouer, ce qui lui tient de plus près au cœur, se soulager, verser sa misère dans l’oreille complaisante de ses semblables. Et, de fait, Baudelaire a tous les traits du démoniaque. »

[9] Paul Valéry, Situation de Baudelaire, Variété, Œuvres I, Édition établie et annotée par Jean Hytier, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1957, p. 598.

[10] Ibid., p. 604.

[11] Ibid., p. 600.

[12] Ibid., p. 601.

[13] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 42, p. 248.

[14] Ibid., Sur quelques thèmes baudelairiens, p. 159.

[15] Baudelaire et l’expérience du gouffre, p. 83.

[16] Charles Baudelaire, [Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle], in Œuvres complètes, éditées par Claude Pichois, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, vol. I, p. 28.

[17] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 8, p. 217.

[18] Baudelaire et l’expérience du gouffre, pp. 325-328. C’est dans cette citation que l’on trouve peut-être la plus belle définition de l’ennui dans la tradition occidentale !

[19] Sur le choc comme « principe poétique », voir aussi Zentralpark, 21, p. 229.

[20] W. B., Charles Baudelaire, Sur quelques thèmes baudelairiens, p. 207.

[21] Baudelaire et l’expérience du gouffre, p. 11. Citation correcte : « l’ivresse de l’Art est plus apte que toute autre à voiler les terreurs du gouffre », Œuvres complètes, éd. cit., p. 321.

[22] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 37, p. 245.

[23] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 29, p. 236.

[24] Dr René Laforgue, L’Échec de Baudelaire. Essai psychanalytique sur la névrose de Charles Baudelaire, Genève, Éd. du Mont-Blanc, 1964 (première édition, 1931).

[25] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 1, p. 211.

[26] Baudelaire et l’expérience du gouffre, p. 339 : « Nous avons pris pour objet d’étude une réussite, comment serait-elle un échec ? »

[27] W. B., Charles Baudelaire, Le Paris du Second Empire chez Baudelaire, p. 119.

[28] Ibid.,p.29. Les controverses sont nombreuses concernant l’accusation d’antisémitisme à l’égard de Baudelaire. Toutefois, le commentaire de Fondane (chapitreXXIX) nous semble fort pertinent.

[29] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 15, p. 223.

[30] Nicolas Evreïnoff, Le Théâtre dans la vie, Cinquième édition, Paris, Librairie Stock, Delamain et Boutelleau, 7 rue du Vieux-Colombier, 1930.

[31] Roland Barthes, « Le théâtre de Baudelaire », in Œuvres complètes, Tome I (1942-1965), Édition établie et présentée par Eric Marty, Paris, Éditions du Seuil, 1993, pp. 1194-1199. Voir aussi le recueil Théâtre et théâtralité : essais d’études sémiotiques, Laval (Québec), Les Presses de l’Université Laval, 1980.

[32] Yves Thoret, La Théâtralité : étude freudienne, Paris, Dunod, « Psychismes », 1993.

[33] W. B., Charles Baudelaire, Le Paris du Second Empire chez Baudelaire, p. 44.

[34] Ibid., pp. 141-142.

[35] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 21, p. 229.

[36] Ibid., 8, pp. 217-218.

[37] W. B., Charles Baudelaire, Le Paris du Second Empire chez Baudelaire, p. 142.

[38] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 19, pp. 226-227.

[39] W. B., Charles Baudelaire, Le Paris du Second Empire chez Baudelaire, pp. 87, 90.

[40] Baudelaire et l’expérience du gouffre, p. 74.

[41] Ibid., pp. 94-107. Le chapitre IX de l’ouvrage de Fondane est entièrement consacré au dandy, figure majeure de la théâtralité baudelairienne.

[42] Ibid., p. 55.

[43] Ce syntagme, « la nouveauté effrayante dont il est le siège », apparaît deux fois au chapitre V, pp. 55, 59, et cela souligne la dignité dont Fondane le revêt.

[44] Ibid., p. 59.

[45] W. B., Charles Baudelaire, Zentralpark, 44, p. 250.

[46] Ibid., 8, pp. 217-218.

[47] Ibid., 12, p. 221.

[48] W. B., Charles Baudelaire, Le Paris du Second Empire chez Baudelaire, pp. 139-141, pour tous les détails concernant le dandy.

[49] Baudelaire et l’expérience du gouffre, pp. 95-96.

[50] Ibid., p. 263 : « Abolition imaginaire de résistances réelles ou abolition réelle de résistances imaginaires ? […] Se trouvera-t-il quelqu’un pour braver le danger et affirmer, ne serait-ce que par à-coups, l’idée contraire, soit que l’art est une abolition réelle de résistances imaginaires ? Mais c’est, me semble-t-il, le cas de Baudelaire lorsqu’il affirme à propos de décors de théâtre : “Ces choses, parce que fausses, sont infiniment plus près du vrai” et à propos de l’imagination : “Elle est la reine du vrai et le possible est une des provinces du vrai.” Que l’art porte sur le vrai, Baudelaire en a l’intuition certaine ; mais Bergson se trompe-t-il, lorsqu’il insinue que si l’art porte sur le vrai il ne le veut pas néanmoins, de sorte qu’en fait, sinon en droit, il est et demeure une expérience systématiquement fausse ? »

[51] Ibid., p. 51-52.