Benjamin Fondane et le théâtre - Relecture d'Ulysse N° 11
Une farce burlesque
Carmen OsziPrésentation du manuscrit
Le manuscrit de cette pièce a été retrouvé à la Bibliothèque de l’Université de Yale dans la collection de manuscrits datant de l’époque précédant le départ de Benjamin Fondane de Jassy pour Bucarest. Il faisait partie d’un corpus intitulé Caietul de teatru (Le Cahier du théâtre). Il est signé Funfurpan (un de ses nombreux pseudonymes) dont la sonorité et le jeu de mots conviennent au caractère burlesque de la pièce. En écho au mélange de langues dans le texte, ce pseudonyme pourrait être décrypté comme un masque de l’auteur - Monsieur Fundoianu le voleur, le séducteur (Fun est apparemment un raccourci de Fundoianu, son pseudonyme littéraire pendant la période roumaine ; Fur signifie en roumain voler, dérober, mais il suggère aussi le mot Verführung, qui signifie en allemand séduction ; Pan signifie en polonais Monsieur, mais il rappelle aussi le mot chenapan.
La pièce n’est pas datée ; elle n’est mentionnée ni dans la correspondance ni dans les écrits de Fondane. Selon les allusions historiques concernant la situation internationale et les annexions des nouveaux territoires à la Roumanie, on peut estimer que la pièce a dû être écrite en 1918, au plus tard, en 1919, avant son départ pour Bucarest.
Il s’agit d’une pièce en deux actes. Le premier acte, intitulé L’Hôpital Israélite de Jassy, compte 18 pages ; le deuxième acte, intitulé La Cantine Gheltzer, 23 pages ; au total 41 pages. Il est possible que les deux actes aient fait partie d’un ensemble plus vaste de sketches burlesques, dont le titre pourrait être Le Sionisme ou La communauté juive de Jassy.
Les évènements présentés se déroulent à Jassy, dans trois lieux de rencontres significatifs pour la vie communautaire des Juifs de la ville natale de Fondane : l’Hôpital juif, la Cantine Gheltzer, la cantine des philanthropes, et Toynbee Hall, le centre culturel.
Faute d’intrigue dans le genre de la comédie ‘classique’, toute une série de personnages se succèdent sur la scène, constituant une sorte de puzzle ou de fresque de la vie au sein de la communauté ; ils font part de leur point de vue sur les thèmes centraux qui préoccupaient les Juifs roumains à la fin de la première guerre mondiale : leur statut socio-politique, la démographie défaillante, l’éveil de l’esprit national et le débat sioniste autour de l’immigration en Palestine.
La pièce est écrite dans l’atmosphère d’effervescence qui régnait vers la fin de la première guerre mondiale dans les communautés juives de Roumanie (agrandie par l’annexion des nouveaux territoires) autour de la perspective de l’obtention des droits de citoyenneté pour les Juifs, des débats sur les thèmes culturels et socio-politiques de l’époque et du renouveau du discours sioniste, suite à la déclaration Balfour qui conférait aux Juifs le droit à une entité nationale sur le territoire historique de Eretz Israël.
A cette époque, Benjamin Fondane s’exprime en tant que publiciste, essayiste et critique littéraire dans les périodiques juifs de l’époque – et ceci parallèlement à son existence de poète cherchant sa propre voix au carrefour de plusieurs langues et cultures.
Et pourtant, Fondane ne prend pas de position nette dans les débats concernant la vie communautaire ou le sionisme. Ses articles gardent presque toujours le ton d’un intellectuel raffiné, avec un détachement critique par rapport aux passions idéologiques et politiques. Les articles de Fondane sur les thèmes sionistes reflètent les tensions à l’intérieur du mouvement oscillant entre utopie et pragmatisme – songeons aux articles « Utopie et territoire », « Si j’avais vécu en Roumanie » et « L’Utopie organisée »[1], tous publiés dans Mântuirea au cours de l’année 1919. Le sionisme est perçu par Fondane non comme une rupture avec le judaïsme traditionnel, mais comme sa nouvelle émergence. Il se méfie de ce qu’on pourrait appeler l’« efficacité » du modèle socialiste pour un futur état juif, puisqu’il considère le marxisme comme l’« interventionnisme d’état absolu ». Pour Fondane, la Palestine est un territoire plus mythique que réel – souvenons-nous de « Vision de la Palestine », publié en 1919 dans Mântuirea, à la suite d’une projection en Roumanie du film documentaire « La vie des Juifs en Palestine »[2].
Farce burlesque – satire – parodie
La pièce de Fondane se présente comme une farce burlesque. Rappelons que le burlesque, genre à la mode au milieu du XVIIesiècle, dont le comique outré, reposant sur l’extravagance des situations et le mélange des tons, devient au XIXesiècle une forme esthétique qui se poursuit dans la modernité[3]. Fondane fait usage de la satire, de la parodie, de la caricature dans un mélange chaotique de tons, de genres (prose, poésie, chanson) et de langues (roumain, français, latin, allemand, yiddish, hébreu)[4]. Aux antipodes de la comédie ‘classique’ (ayant comme base la poétique aristotélienne), ainsi que de la comédie inscrite dans la tradition de la modernité (réalisme, naturalisme, symbolisme), cette pièce se caractérise par ce que Baudelaire appelait le comique absolu (anti-éducatif et anti- anti-aristotélicien), pour ne pas dire carnavalesque. On peut déceler dans la pièce de Fondane des échos qui pourraient rappeler la tonalité absurde d’Alfred Jarry dans Ubu Roi et le drame sur-réaliste de Guillaume Apollinaire Les Mamelles de Tirésias, ainsi que des réminiscences d’auteurs roumains comme I.L. Caragiale[5] et Urmuz[6]. Comme eux, Fondane pousse le burlesque vers l’absurde et l’invraisemblable.
La présence d’un langage fruste et d’une gestuelle agressive, le traitement satirique et parodique des institutions de la communauté juive de Jassy rapproche Fondane de certains mouvements d’avant-garde ; en quelque sorte, on peut considérer ces jeux scéniques comme des tentatives dadaïstes. Fondane nous présente à la fois une fresque comique des personnages et des préoccupations de la communauté juive de Jassy, dont il faisait partie. En utilisant les procédés du burlesque – la parodie, la caricature, le cliché, Fondane entame un processus qui déstabilise les lieux communs, les formes institutionnalisées du sionisme et de la société de l’époque qui succède à la première guerre mondiale. Cet écart par rapport à la réalité sociale de son époque est doublé d’un refus de l’utopie (car n’oublions pas qu’en 1918-1919, le sionisme était encore ancré dans son caractère utopique). Le message qui traverse le texte est plutôt une critique sociale et culturelle qu’une prise de position esthétique.
Si l’on considère la structure dramatique non-conventionnelle de la pièce, construite à partir de séquences, on observe que chaque séquence est quasi indépendante, tout en maintenant des relations étroites, mais non linéaires, avec les autres séquences.
Les personnages, bien que certains aient connu une existence réelle, ne sont pas conçus selon les conventions du théâtre réaliste ; ils n’ont aucune profondeur psychologique. Il s’agit de pantins. Parfois on peut découvrir des ressemblances inattendues avec ceux de Brecht dans l’Opéra de quat’sous. De même, on comprend d’après les indications scéniques de Fondane, que la scénographie de la pièce ne sera pas fidèle à la convention du quatrième mur, mais que la scène sera baignée dans une atmosphère carnavalesque, dans une atmosphère de cabaret. Cette structure dramatique où se mélangent prose, poésie et chansons, permet la création d’une aliénation esthétique qui empêchera le public de s’identifier aux personnages ; son esprit critique sera plus éveillé. On peut dire que Fondane adopte ici une attitude avant-gardiste vis-à-vis du théâtre dans laquelle les moyens esthétiques sont utilisés afin de faire passer un message politique ou social.
Outre le désir d’intéresser et d’amuser, il met en relief une question vitale pour lui et pour son public de connivence : le débat sur la question sioniste qui s’était engagé dans la communauté juive de Jassy. On se demande si Fondane avait l’intention de mettre en scène cette pièce. Pensait-il la présenter devant le public de Toynbee Hall ? Voulait-il choquer les bourgeois, par son approche sarcastique ?
En présentant la vie juive de sa ville natale, Fondane semble préférer un ton moins sombre que celui auquel on pourrait s’attendre (si on considère les articles publiés par Fondane dans la presse juive roumaine pendant ces années-là). Les traumatismes de la première guerre mondiale, la démographie défaillante du peuple juif, l’immigration en Palestine comme éventuelle solution de la ‘question juive’ sont autant de sujets graves abordés par Fondane sur scène.
On sent dans cette pièce que Fondane se trouve déjà dans une situation liminale (in-betweenness) – ancré dans la vie juive de Jassy et la culture roumaine, mais en même temps aliéné par son provincialisme. Entre son identité de juif roumain et de juif cosmopolite, qu’il choisira quelques années plus tard, entre son attirance pour la tradition juive et l’image du juif nouveau proposé par le mouvement sioniste. Il est probable qu’au moment de l’écriture de cette pièce, peu avant son départ pour Bucarest, Fondane se soit trouvé dans une situation existentielle d’attente sans issue.
Présentation de la pièce
Personnages
Comme l’auteur ne présente pas les personnages de cette farce, nous en ferons une présentation colorée.
Dr. Burstein, médecin, maître des lieux ; introduit et présente les personnages tout au long de la pièce en faisant des commentaires pseudo-philosophiques.
Dr. Blumenfeld, médecin et ami de Burstein, son interlocuteur.
Dr. Peckerman, dentiste fameux, ayant un penchant sadique.
Ochs /Boureanu, président actif.
Barbulius, Solomonovici, Strudelpeter, membres de la communauté.
Madame Gheltzer, philanthrope, venant de mettre au monde un fils, fière de sa contribution à la croissance démographique du peuple juif.
Haïmovici, le mohel chargé des circoncisions, aimant la bonne chère.
Madame Zily Kinderman, entremetteuse et organisatrice de fêtes.
Le Palestinien, qui apparaît au long de la pièce chantant des lieds de lamentations ou des odes enthousiastes sur la vie en Palestine.
Dr. Teologici, conférencier, parle un franco-roumain qui abonde en clichés.
M. Manweiss, conférencier, auteur d’une recherche sur l’évolution de l’esprit national (le potage national) chez les différents peuples.
M. Weissman, apparemment l’alter ego de Manweiss, conférencier plein d’ardeur pour la cause sioniste.
Samson Lazar, conférencier qui présente un portrait de Herzl (l’homme et le mythe), auteur de sonnets italiens.
Dr. Rodion Steuerman, seul personnage réel ; médecin, polémiste, poète, auteur, directeur et journaliste, connu du public pour sa conférence « La parabole de l’astucieux Ulysse » ; le seul personnage pratiquant l’auto-ironie.
Pella, homme à femmes qui aime les bacchanales.
L.B., monsieur tout-le-monde qui veut comprendre ce qui se passe et cherche l’emplacement des toilettes.
Les malades : souffrants, ignorés, incompris ; représentants du ‘peuple’.
L’assistance/ L’audience, à tour de rôle, enthousiaste et contestataire.
Personnages historiques évoqués
Ghica (apparemment un descendant de la famille de Ion Ghica (1817-1897) appartenant à la noblesse roumaine, écrivain et dirigeant politique, ami de Nicolae Bălcescu, C. A. Rosetti et Vasile Alecsandri.
Cuza, Alexandru Ioan Cuza, le premier Prince des Principautés Unies de Valachie et Moldavie 1859 -1866.
Marie, reine de Roumanie, princesse Marie d’Édimbourg puis princesse Marie de Saxe-Cobourg-Gotha, devenue patriote roumaine, exerçant une grande influence ; belle et passionnée.
Maïmonide (Rabbi Moshé ben Maimon, Rambam) ; Theodore Herzl ; Ahad Haam (Asher Grinberg) ; Shalom Aleichem (Sholem Naumovich Rabinovich), Dante Alighieri, Raphael Sanzio, Michelangelo Buonarroti ; Immanuel Kant ; Johann Wolfgang von Goethe.
Extraits[7]
L’Absurdité de la guerre ; la dérision de la presse
Dr. Blumenfeld (en soupirant):
Un télégramme de Copenhague annonce qu’un voyageur est arrivé à New York ; il aurait affirmé que l’agence italienne de Madrid aurait appris par des sources particulières de Jaffa que les Allemands auraient perdu un million de soldats pendant le siège inutile des Russes. Le même voyageur affirmait cependant qu’il aurait entendu des coups de fusil, ce qui semble inexplicable vu les maigres succès. La nouvelle que nous transmettons est d’une extrême précision. Nous la transmettons sous toute réserve.
L’impuissance de la médecine à soulager les souffrances humaines
Ochs, d’un geste ample:
Pax vobis !
Eh, les pauvres nous attendent
Pour qu’on leur fasse justice
Soyons donc doux et charitables
Tranchons-les, déchiquetons-les !
La démographie défaillante du peuple juif
Burstein :
Honorable assistance, un philosophe allemand disait : Maternitatus est grausam sarcinam.[8] Le même philosophe – relatif à cette même question disait : pour devenir grosse il faut être légère, ou faire de la philanthropie !
A Madame Gheltzer qui est philanthrope …
En plus, nous présentons nos hommages à Monsieur Haimovici[9]. Car nous avons du mal depuis des siècles à faire naître un peuple juif – tandis que cet honorable monsieur, de sa main adroite, il le crée tout d’un coup.
Satire sociale de la vie communautaire des Juifs à Jassy
Ochs / Boureanu:
Je suis le fameux cannibale moderne,
Au festin éternellement présent
Et si je tombe malade, ne vous en faites pas,
Car, de toute façon, vous pouvez m’appeler.
Pella :
Ma foi, j’aurais commencé à remplir mon devoir
Car je possède en moi l’esprit national
S’il n’y avait pas pour me retenir ici
Les succès obtenus au bal.
Au diable, donc victoires et prouesses,
Je préfère rester ici aux bacchanales.
Satire de la vie culturelle
Dr. Burstein :
Je donne la parole à Monsieur Teologici, qui va vous parler de « La linguistique dans l’éloquence rhétorique ».
Monsieur Teologici :
Comme le disait M. Anatole France: un littéraire français dans Le Livre de mon ami, un orateur doit posséder, en plus d’un cœur grand, une éloquence florissante comme un arbre feuillu. Donc, afin qu’un orateur ait du succès, il ne doit pas mettre de barrage aux élans poétiques, car les poèmes, comme le disait Maïmonide, ouvrent une large perspective dans les allées dégarnies de feuilles de notre vie.
Satire politique – L’esprit national ou « le potage national »
Monsieur Manweiss :
Mesdames et Messieurs, si le navire de mes rêves va jeter son ancre dans le port des aliments français, nous irons observer d’abord que les ingrédients du potage de ce noble peuple (Protestations) contiennent des haricots Robespierre, du poivre Voltaire et des asperges aux Racines classiques.
Voilà Mesdames – le potage national – et si nous pénétrons plus loin, à l’intérieur des frontières teutonnes, nous allons observer que le potage indigène présente une variété propre de Spargel [asperges] patriotique, de Speck [lard] civique et une goutte d’eau de Cologne – le potage national !
Dr. Burstein :
On dit que la nationalité est la base essentielle du fondement de toute organisation. C’est pourquoi, si nous approfondissons la question, nous verrons donc que l’histoire elle-même – car il y a aussi d’autres histoires – donc comme je venais de le dire, l’histoire elle-même doit nous éclairer comme un bout de chandelle, la nuit, dans le cabinet d’aisance.
Les personnalités marquantes du mouvement sioniste :
Theodore Herzl, Rodion Steuerman
Dr. Burstein :
Un visiteur, un invité distingué et un fils viril de notre ville de Jassy, le profond essayiste Samson Lazar, va nous parler de Herzl, en alternant avec des sonnets italiens. Pourtant, messieurs, que pourrait nous dire ce jeune Samson ? Nous n’allons pas anticiper. Herzl a été un grand homme, le chef du sionisme, créateur d’idéal … Herzl est resté avant tout, toute sa vie un Jidan, un youpin.
Samson Lazar :
Messieurs, une découverte chez un antiquaire nous apprend que le mammifère est le type représentatif du monde. Il y a beaucoup de mammifères, messieurs. (Applaudissements soutenus). Pourtant, parmi eux se détache un visage grandiose et serein. Comme si je le voyais devant moi ! Sur son visage pâle comme cire un regard brûlant, une barbe de la longueur d’un balai, et une intelligence acerbe, mobile comme une éponge, incrustée dans le cerveau, comme un étendard dans un champ de bataille.
[***]
Dr. Burstein :
Je donne maintenant la parole au polémiste Rodion, connu du public par la conférence qu’il a donnée ici : « La parabole de l’astucieux Ulysse ».
Dr. Rodion Steuerman :
Je suis le docteur Rodion
Armé comme un bastion,
Je tiens des polémiques et des bistouris,
Et des ampoules d’injures
Je tiens des polémiques, des aiguilles
Je provoque au duel n’importe qui.
Je suis poète et auteur
Je fabrique des rimes à moteur
Et quand je vais chez un patient
Sur le moment je le rends dément.
……………..
Je suis directeur, journaliste,
Décoré et moraliste
Je suis en plus orateur –
Oh les pauvres auditeurs !
Le débat sioniste – idéal et réalité
Le Palestinien :
Chez nous il y a des forêts vertes d’oliviers
Et il y a des champs de soie
Chez nous il y a tant de disette
Et tant de tristesse à la maison ![10]
[***]
Tous :
En Palestine ! En Palestine !
Quelqu’un :
On va être affamé, nous ne pouvons pas aller là-bas : Donc – à table ! A table !
(Tous mangent. On s’assoit à table).
Haïmovici :
Honorables convives ! Il ne faut pas contourner la vérité. Il faut traiter cette question avec beaucoup de délicatesse – Car dans le contact de la philosophie avec l’esprit pratique les blessures pourraient être profondes et saignantes.
Le mythe de la Palestine – Sion
Weissman :
Mon cher ami, comme le poète l’aurait dit, ici nous sommes dans un coin de paradis. Car le sionisme est le soleil de la nature et la nature du soleil. Il est la tarte traditionnelle, la gimblette et la huppe[11], vers lesquelles les moineaux de notre pensée rêvent le maïs de la paix. Il est la devise sacramentelle, le juron biblique et paternel, la puce sentimentale, la punaise domestique, le raton civique.
Le sionisme ? Qu’est-ce que le sionisme ? Vite – parle !
La parole ! Quelle est la parole ?
[***]
Dr. Burstein :
Messieurs, maintenant un Palestinien chantera pour nous.
Le Palestinien :
Regarde à l’horizon le merveilleux jardin
Avec ses bracelets de myrtes sur les collines
C’est la sublime Palestine
La terre de saints idéals.
Les emblavures blondes dansent
Dans les parcs, les orangers rient.
Et sur les collines sacrées
Dorment, en frémissant, des dattiers.
Oh, venez donc tous, ici
Tant que votre vigueur n’est pas morte
Quand le paradis vous est si propice
Pourquoi restez-vous confus à ses portes ?
Gazouillent les babillardes sources
Dans l’air voltigent de frais parfums
Et dans toute son ampleur, un cortège de vierges
Serpente, ondulant, sur les routes.
Chantent les brunes Sulamites,
Le soir efface l’horizon
Et dans leurs pupilles ombragées
Se reflète, dans toute sa gloire, Sion !
Peuplez donc ce jardin
Que personne ne reste à l’ écart
Que dans la Palestine renaisse
L’auréole des temps des Maccabées.
Première page du manuscrit de Yale,
où figure le pseudonyme Funfurpan.
Photos inédites transmises par Olivier Salazar-Ferrer et publiées avec l’aimable autorisation de Michel Carassou. L’on présume qu’il s’agit de photos de « Insula ».
[1] Voir à ce sujet Léon Volovici « Collaboration de Fondane à la presse juive roumaine » dans Rencontres autour de Benjamin Fondane poète et philosophe, Parole et Silence, 2002. Actes du colloque de Royaumont, avril 1999. Edité par Monique Jutrin, p. 185-193.
[2] Benjamin Fondane, « Vision de la Palestine », traduit par Carmen Oszi, Continuum no 4, 2006, p. 30-31. Voir aussi Carmen Oszi, « La Vision d’Eretz Israel : Benjamin Fondane et le débat sioniste », Continuum no 4, 2006, p. 54-56.
[3] Lexique des termes littéraires, sous la direction de Michel Jarrety, « Le Livre de Poche », Librairie générale française, 2001.
[4] Quelques exemples :français-roumain :
« Nous pourrions aussi présenter le chant guturaï » [trad. : rhume ; jeu de mots sur ‘chant guttural’]
latin :
« Un philosophe allemand disait : Maternitatus est grausam sarcinam. » [trad. : La maternité est un si cruel fardeau]
yiddish :
« 4ème malade:
Donnez-moi du Kant.
5ème malade:
Gitz mir ritzmeil » [trad. : versez-moi de la farine de riz]
hébreu :
« En ce temps-là j’avais des illusions et du Hatikvah » [trad. : espoir]
hébreu-allemand-yiddish :
Recha als Gott dich einst …
Kranke, als Gott euch einst Spitalspatienten machte......
Tous les malades:
Oy, vey, vay, ah, oh!
[Dans le manuscrit le texte est en allemand ; trad. : le mal comme jadis Dieu t’a .../Malades, quand Dieu jadis vous transformait en patients de l’hôpital].
[5] I. L. Caragiale (1852-1912), dramaturge et auteur de prose.
[6] Urmuz, pseudonyme de Demetru Dem. Demetrescu-Buzău (1883-1923) écrivain d’avant-garde, auteur de prose absurde.
[7] Extraits traduits par Carmen Oszi.
[8] N.T. : Mélange des langues, latin et allemand, dont la traduction serait : La maternité est un fardeau si cruel.
[9] N. T. : Monsieur Haimovici est circonciseur.
[10] Parodie du poème « La noi » d’Octavian Goga, poète roumain, nationaliste et antisémite, ministre de l’intérieur (1926 -1927) et premier ministre (1937-1938).
[11] Allusion à l’expression roumaine colac peste pupăză [trad. : des choses surprenantes, extraordinaires survenant au moment le moins propice].