Dialogues N° 25
Editorial
Le poète est de son temps, ou contre son temps, disait Fondane. Et nous constatons aujourd’hui plus que jamais, combien sa voix nous est nécessaire en ce début du XXI e siècle. Aussi ne sommes –nous pas surpris d’un renouveau d’intérêt pour son oeuvre, aussi bien au Portugal qu’au Japon, comme en témoigne ce Cahier 25. D’ailleurs, Jean-Pierre Longre terminait son compte rendu du Cahier 24 en citant Evelyne Namenwirth qui évoquait « un dialogue sans fin, faisanf fi des années qui nous séparent, une fraternité s’installant ». Il ajoutait que ce dialogue se poursuit dans nos Cahiers d’une manière à la fois savante et fraternelle.
Ce Cahier 25 s’est placé tout naturellement sous le signe du dialogue. Dialogue de Fondane avec les voix poétiques qui l’habitent : celles de Rimbaud, de Baudelaire , de Corbière, d’Apollinaire, de Verhaeren (Monique Jutrin et Gisèle Vanhese). Dialogue du poète avec son double, cet Ulysse pour qui le retour à Itaque est impossible (Heidi Traendlin). Agnès Lhermitte nous donne un feuilleté des diverses versions d’Ulysse XXX, alambic d’un alchimiste en pleine effervescence.
Un second volet nous renvoie les échos de voix roumaines dans l’oeuvre de jeunesse. Traductions de Heine (Roxana Sorescu), réflexions philosophiques issues d’un dictionnaire domestique (Agnès Lhermitte) , souvenirs d’enfance et d’adolescence ( Serge Goffard).
Éric de Lussy nous fait entendre le dialogue entre Fondane et René Clair à propos de la polémique qui suivit l’avènement du cinéma parlant. C’est également Éric de Lussy qui après sa rencontre au Salon de la Revue avec le doctorant Takuma Ito, nous a signalé l’existence d’une réception de Fondane au Japon. À la suite de cette découverte, nous avons engagé un dialogue avec le professeur Ko Iwatsu, auteur d’articles consacrés à Fondane, en japonais et en français.
Deux études : Sylvain Saura, doctorant en littérature comparée, nous a confié ses réflexions sur l’emploi du terme technique dans les écrits de Fondane. Ensuite, une recension de la lecture de Lévy-Bruhl due à Francesco Nisio par Serge Nicolas.
Comme le site de Peyresq était inaccessible l’an dernier à cause de la pandémie, nous nous sommes rencontrés l’été dernier au Pré Martin d’Annot. Réunis dans un autre lieu, dans un autre temps, nous eûmes la sensation de réinventer nos entretiens. Saralev Hollander me souffla : «Ne trouves-tu pas que notre rencontre est plus intense que d’habitude ? »Durant cette brève rencontre d’Annot, Dominique Guedj anima une matinée consacrée aux textes de Fondane sur Lévy-Bruhl, à laquelle participèrent Aurélien Demars, Jean Dhombres, Margaret Teboul, Serge Nicolas, Saralev Hollander et Monique Jutrin. D’autre part, Lee Bartov qui prépare un doctorat sur l’oeuvre de Chestov, nous parla de la présence de Chestov en terre d’Israël avant 1940. Paulette Pecherer, la fille de Lucy Zultak, nous lut une page du journal de guerre de sa mère, relative au passage clandestin de la frontière entre la France et la Suisse en 1943. Mili Pecherer, petite-fille de Lucy Zultak, projeta son filmTsigele-Migele où résonne l’écho du deuil ressenti après le décès de sa grand-mère. Marina Levikoff nous présenta ses oeuvres nouvelles inspirées par la poésie de Fondane.
Parmi les notes diverses, vous trouverez des échos des pogroms de 1941 à Jassy et un compte rendu par Maria Villela de la traduction portugaise d’Ulysse par Diogo Paiva.
Je tiens à remercier chaleureusement Agnès Lhermitte pour sa collaboration à la relecture des textes de ce Cahier , Carmen Oszi pour son travail de mise en page, Mili Pecherer pour l’élaboration de la couverture.
C’est avec tristesse que nous avons appris le décès d’Anne Mounic, avec qui nous avions collaboré à plusieurs reprises.