SOCIÉTÉ D'ÉTUDES BENJAMIN FONDANE

Vie et survie N° 26

Vie et survie de Benjamin Fondane

Vie et survie de Benjamin Fondane : ce titre s’est imposé l’été dernier en préparant les Journées du Patrimoine juif de Metz, placées sous le signe du Renouveau. Ces journées comprenaient une exposition de Marina Haccoun-Levicoff, dont l’oeuvre picturale permet à Fondane de renaître sous une autre forme d’expression. Sa voix retentit également dans les films d’animation de Mili Pecherer, en particulier dans le court métrage : Nous ne serons pas les derniers de notre espèce, dont elle nous projeta des extraits avant qu’il ne soit présenté au MAHJ durant l’année écoulée. La voix de Fondane s’y fait entendre dans les cris d’un corbeau, dont Agnès Lhermitte rend compte dans sa note :«Fondane en corbeau».

Comme vous pouvez le constater à la lecture de ce Cahier, Fondane nous revient ces jours-ci sous des avatars divers. Sa Préface en prose, lue ou citée à maintes occasions, vient de s’inscrire sur un grand panneau à l’entrée du Mémorial de la gare de Bobigny qui commémore les convois des déportés de Drancy. Alors que le poète nous enjoignait d’oublier son poème, pour ne nous souvenir que de son visage, force est de constater que parfois c’est le poème qui témoigne du visage. Cet oscillement fait partie des paradoxes qui hantent l’oeuvre. Et ces questions scandent les articles de Monique Jutrin et d’Agnès Lhermitte focalisés sur l’oeuvre poétique. Monique Jutrin retrace les étapes de cette interrogation depuis l’époque roumaine jusqu’au-delà de la mort. Agnès Lhermitte reprend cette réflexion à propos de Tristan et Yseut, où elle retrouve ce questionnement douloureux. Elle rétablit également une version correcte du poème, dont la publication en volume resta longtemps incohérente. Trois lettres de Fondane à Seghers complètent ce dossier.

Sur le plan philosophique, Margaret Teboul s’interroge sur la place de Fondane parmi les intellectuels juifs de l’après-guerre, en particulier chez André Neher et Claude Vigée. D’un exposé à l’autre, les questionnements se répondent. L’enquête d’Evelyne Namenwirth sur l’enjeu des citations de Fondane dans Baudelaire et l’expérience du gouffre rejoint les réflexions de Jean Dhombres sur l’écriture philosophique. D’autre part, la problématique développée par Sylvain Saura sur la notion d’issue résonnait également dans l’exposé d’Alice Gonzi, qui portait sur la liberté de refus ( il sera publié dans un prochain Cahier). Quant à Serge Nicolas, il aborde la délicate question des relations entre Fondane et Paulhan, en scrutant la correspondance échangée entre les deux auteurs, aimablement communiquée par Claire Paulhan. Des notes inédites sur Les Fleurs de Tarbes complètent son article.

Dans le domaine du cinéma, Éric de Lussy s’intéresse à l’activité de Fondane aux studios de la Paramount, à sa collaboration avec Kirsanoff, et présente un scénario inédit.

Le dossier roumain nous révèle des textes oubliés :«Le premier mai socialiste», traduit par Carmen Oszi et commenté par Aurélien Demars, ainsi que«Interview d’un Cubain», traduit par Hélène Lenz. Ce texte est commenté avec érudition et humour par Aurélien Demars sous le titre :«Voyage en absurdie».

Des comptes rendus, des notes, une bibliographie et des informations complètent ce Cahier.

Agnès Lhermitte, qui relut les textes, et que je remercie pour sa collaboration efficace, m’écrivait cet été que le miracle Peyresq avait opéré à nouveau. Saralev Hollander nous parla de la figure de Job dans la kabbale. Elle nous présenta aussi son beau livre sur la fresque de Miklos Bokor commémorant la Shoah, dans l’église de Maraden. (Publié en 2023 chez méridianes). Frédéric Groche, acteur et metteur en scène, qui prépare un spectacle fondé sur l’Ulysse de Fondane, nous expliqua comment la parole poétique peut se tranformer en spectacle.

Un fluide de pensée et d’amitié n’a cessé de circuler durant notre rencontre, bien que le ciel de Peyresq nous ait gratifié d’orages spectaculaires. Toutefois des éclaircies ont permis aux randonneurs, guidés par Evelyne Namenwirth et Serge Nicolas de gravir le Courradour à la rencontre des bergers. D’autres se contentèrent de deviser près des tilleuls de la Place, à l’ écoute des récits de guerre de Louise Navello-Sgaravizzi, notre chère Louisette, historienne de Peyresq. En effet la région des Hautes Alpes de Provence comptait de nombreux résistants, comme ce facteur qui réussit à dissuader l’ennemi de gravir la pente jusqu’à Peyresq.

Tous nos remerciements à Carmen Oszi pour la mise en page de ce Cahier et à Mili Pechrer pour la création de la couverture.