Les premières tentatives d'une présentation cohérente de sa propre pensée philosophique se cristallisent chez Fondane vers la fin des années trente. Dans le FauxTraité d'esthétique, publié en 1938, il considère la réalité connue, celle des philosophes,comme un "sérieux empêchement à la réalité possédée" ajoutant que la réalité ne devient réalité que dans l'acte de participation. Or, cette "participation à la réalité possédée" devrait se faire à travers l'expérience poétique.

"Pourquoi l'art ? pourquoi justement l'art chez le seul animal raisonnable ?" A partir de cette question Fondane développe sa poétique existentielle. L'on est frappé par l'originalité de cette pensée, dont on ne retrouve pas d'équivalent à l'époque.

Deux axes sous-tendent cet essai, qui contient une critique acerbe du surréalisme, tout en tentant de formuler un art poétique, de cerner la fonction de la poésie.

"Qu'est-ce donc pour nous que la poésie – cri, prière, acte magique ? Qu'importe ! Que celui pour lequel elle est un cri, crie ! Qu'il prie, celui pour lequel elle est prière ! Et qu'il se fasse sorcier, voyant ou prophète, celui qui y voit un acte magique !"

Se référant à la pensée de participation des primitifs (décrite par Lévy-Bruhl)  Fondane affirme la co-existence dans l'histoire de la pensée mythique et rationnelle; c'est au bout d'un long processus que la pensée rationnelle s'est imposée. Au moment où la pensée rationnelle et la pensée mythique se sont séparées, c'est à cette limite qu'est née la poésie : "la poésie est ce qui subsiste dans l'homme d'une nostalgie de la vérité première, un coëfficient d'irréalité qui n'a pu être réduit par la connaissance rationnelle."

Salué à l'époque par Marcel Raymond et Gaston Bachelard, cet essai a été réédité en 1998 avec une introduction d'Ann Van Sevenant aux éditions Paris-Méditerranée.

Les deux autres essais que Fondane a consacrés à la poésie s'articulent autour des mêmes questions : celle de l'homme écartelé entre la raison et l'existence, la pensée rationnelle et le vécu.